Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Catastrophe

Définition et droit applicable

La catastrophe est un événement inattendu auquel on ne peut faire face que par des mesures de caractère exceptionnel et qui peut avoir une origine naturelle (climatique, sismique ou d’autres causes physiques) ou humaine (accidentelle, volontaire). Le droit international ne prévoit aucune protection juridique spécifique des individus dans ces situations-là. Au contraire, des pouvoirs étendus sont donnés aux autorités nationales pour faire face à la situation de catastrophe et un certain nombre de droits individuels peuvent même être momentanément suspendus. Ce sont les services nationaux de protection civile qui sont en charge des secours et de l’ordre dans de telles situations. La coopération entre les États est également fréquente.

Pour que le droit humanitaire puisse s’appliquer, il faut que la catastrophe soit liée à une situation de conflit. Il est donc essentiel de faire la différence entre les catastrophes naturelles et celles créées par l’homme. Même si les conséquences en termes de besoins se ressemblent, les méthodes d’action et les droits d’intervention sont très différents. Pour permettre l’application du droit humanitaire, il faut également éviter l’utilisation des termes tels que « crise » ou « catastrophe humanitaire » quand un terme plus précis peut être utilisé, car ces termes décrivent une situation sans créer de droit au profit des victimes ni des organisations de secours.

Le droit humanitaire cherche à éviter que la guerre ne provoque des catastrophes naturelles. Il interdit les attaques sur l’environnement naturel, sur les biens essentiels à la survie de la population, ainsi que sur les installations et les ouvrages contenant des forces dangereuses, tels que les barrages, les installations nucléaires, chimiques (ce qui peut causer des dommages à l’environnement naturel et donc être préjudiciable à la santé ou à la survie des populations). Ces attaques, de nature à provoquer des catastrophes de grande ampleur et des déplacements de population, constituent des crimes de guerre.

Biens protégés .

Le droit humanitaire applicable aux situations de conflit prévoit également le rôle des organisations gouvernementales de protection civile à côté de celui des organisations de secours pour aider la population à surmonter les effets immédiats des catastrophes, et assurer les conditions nécessaires à la survie de la population civile (GPI art. 61).

Crise et catastrophe humanitaires

  • Le droit international applicable ne dépend pas de l’ampleur des besoins mais du contexte et des causes naturelles ou conflictuelles de la catastrophe. La qualification des situations est donc essentielle en droit humanitaire. Elle détermine les droits et obligations des différents acteurs. Le droit humanitaire ne s’applique qu’en cas de conflit.
  • Les mots de « crise » ou « catastrophe humanitaire » sont des termes non juridiques utilisés de bonne ou de mauvaise foi pour décrire une situation de souffrance sans se prononcer sur ses causes. Ils permettent de limiter la réponse à l’envoi de secours matériel, et d’éviter toutes les obligations précises qui découlent de la qualification d’une situation. Par exemple, le génocide au Rwanda en 1994 a été qualifié pendant plusieurs mois de « crise humanitaire ». La reconnaissance du génocide aurait en effet obligé les États à agir pour faire cesser ces actes, conformément à la convention de 1948 « sur la prévention et la répression du crime de génocide ». Ainsi, la résolution 929 du Conseil de sécurité adoptée en juin 1994, en plein génocide, et malgré ses propres références dans des textes antérieurs (S/RES/925 du 8 juin 1994), souligne que « la crise humanitaire au Rwanda constitue une menace à la paix et à la sécurité dans la région » (S/RES/929 du 22 juin 1994).

Améliorer la préparation aux catastrophes naturelles

Ces dernières années ont été marquées par une augmentation des catastrophes naturelles en termes d’échelle comme de dégâts humains. L’augmentation constante de la population urbaine au cours du demi-siècle dernier, tout particulièrement dans les pays en développement où l’explosion démographique s’est traduite par des conditions de vie de plus en plus précaires, n’a fait qu’aggraver l’impact de ces catastrophes. Pour améliorer la capacité des États à s’y préparer et à y répondre, les Nations unies et la Fédération internationale de la Croix-Rouge ont récemment mis à jour leurs stratégies, leurs directives comme leurs instruments.

Le rôle des Nations unies

Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonateur des secours d’urgence

Le secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonateur des secours d’urgence est un poste de haut niveau au sein du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA). Ce poste est actuellement occupé par Valérie Amos, entrée en fonction le 1erseptembre 2010 suite à sa nomination par le secrétaire général des Nations unies. Elle est responsable de la supervision de toutes les urgences exigeant l’assistance humanitaire des Nations unies, ce qui inclut les catastrophes naturelles comme les crises humanitaires imputables à l’homme. En tant que secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et coordonateur des secours d’urgence, elle est le point focal pour les activités de secours gouvernementales, intergouvernementales et non-gouvernementales.

Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) .

Le Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG)

Le Groupe consultatif international de recherche et de sauvetage (INSARAG) est un réseau intergouvernemental se préoccupant des questions relatives à la recherche et au sauvetage en zones urbaines (USAR) et aux réactions aux désastres s’y rapportant. L’INSARAG a été créé en 1991 à la suite d’initiatives de la part des équipes de recherche et de sauvetage internationales ayant répondu au tremblement de terre de 1988 en Arménie. Les Nations unies ont fait office de secrétariat de l’INSARAG pour faciliter la participation et la coordination internationales. Depuis lors, l’INSARAG a été impliqué dans des activités de secours lors de tremblements de terre (Indonésie en 2004, Haïti en 2010), et est également intervenu dans les cas de structures effondrées (Iran en 2003, Indonésie en 2009).

Le mandat de l’INSARAG est contenu dans la résolution 57/150 de l’Assemblée générale des Nations unies du 27 février 2003 portant sur la « Consolidation de l’efficacité et de la coordination de l’assistance internationale en matière de recherche et de sauvetage en zones urbaines ». Il consiste à : améliorer l’efficacité des préparatifs et des interventions et de la coopération internationale entre les équipes de recherche et de sauvetage (SAR) sur les lieux de la catastrophe ; promouvoir des activités destinées à obtenir une meilleure préparation à la recherche et au sauvetage dans les pays les plus exposés aux catastrophes ; développer des procédures et des systèmes à usage international destinés à une coopération durable entre équipes SAR nationales en action sur la scène internationale.

Le groupe se compose de trois groupes régionaux (Afrique/Europe/Moyen-Orient, Amériques et Asie/Pacifique) et de la Section de soutien à la coordination sur le terrain (FCSS), partie de la branche Services d’urgence au sein du Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires à Genève, qui fait fonction de secrétariat de l’INSARAG. Chacun conduit des évaluations des dégâts et des besoins, spécifie et établit les priorités s’agissant de la nature de l’assistance exigéedans la demande d’assistance internationale, facilite les procédures d’immigration pour le personnel de secours international et désigne une entité gouvernementale responsable de coordonner les activités de secours internationales.

La stratégie internationale de prévention des catastrophes (ISDR)

En décembre 1999, les Nations unies ont lancé la Stratégie internationale de prévention des catastrophes visant à améliorer la préparation aux catastrophes naturelles et réduire les dommages causés par les aléas naturels tels que tremblements de terre, inondations, sécheresse et cyclones par le biais d’une éthique de la prévention. Le mandat de l’UNIDSR a été étendu en 2001 pour en faire le point focal du système des Nations unies pour la coordination de la réduction des catastrophes. L’ISDR coordonne les efforts internationaux de réduction des risques de catastrophes (RRC), fait campagne pour créer une prise de conscience globale des bénéfices de la réduction de tels risques, plaide pour davantage d’investissements en faveur d’actions de réduction des risques, et informe les populations en fournissant des services et instruments pratiques tels que le site web « Preventionweb » consacré à la réduction des risques, des publications sur les bonne pratiques, des profils pays et le « Rapport d’évaluation mondiale sur la réduction des risques de catastrophes » qui constitue une analyse des risques et tendances mondiales en matière de catastrophe.

Le rôle des organisations humanitaires internationales

Lignes directrices pour la facilitation et la réglementation nationales des opérations internationales de secours en cas de catastrophe et de d’assistance au relèvement international Lignes directrices IDRL

En cas de catastrophe naturelle, les organisations humanitaires ont besoin du consentement de l’État concerné pour intervenir. Il arrive que les acteurs humanitaires soient confrontés au refus des autorités nationales. En dehors de cette situation extrême, l’assistance internationale en situation de catastrophe naturelle se heurte souvent aux obstacles bureaucratiques dus aux perturbations des capacités administratives locales.

Afin de faciliter les opérations et clarifier les rôles des États effectivement touchés et des acteurs humanitaires internationaux, la Fédération internationale de la Croix-Rouge a rédigé un ensemble de recommandations qui contribuent à la préparation juridique des États en matière de catastrophe naturelle. En 2007, après six ans de recherche et dix-huit mois de consultations formelles avec les États et les sociétés nationales, les Lignes directrices pour la facilitation et la réglementation nationales des opérations internationales de secours en cas de catastrophe et de d’assistance au relèvement international (Lignes directrices IDRL) ont été adoptées lors de la XXXeconférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Ces lignes directrices ne sont pas contraignantes. Elles s’inspirent des instruments internationaux existants, parmi lesquels les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies 46/182 (1992) et 57/150 (2003), les mesures propres à accélérer les secours internationaux de 1977 et le cadre d’action Hyogo de 2005. Le but deslignes directrices est d’aider les États à adapter leurs cadres réglementaires nationaux pour faciliter les efforts de secours internationaux avant qu’une catastrophe naturelle ne frappe leur territoire.

Pour le besoin de ces lignes directrices, la Fédération internationale de la Croix-Rouge entend par catastrophe « une perturbation grave du fonctionnement de la société, constituant une menace réelle et généralisée à la vie, à la santé, aux biens ou à l’environnement, que la cause en soit un accident, un phénomène naturel ou une activité humaine, et qu’il s’agisse d’un événement soudain ou du résultat de processus se déroulant sur de longues périodes, mais excluant les conflits armés ».

Les lignes directrices formulent un certain nombre de recommandations réaffirmant la souveraineté des États et le rôle des acteurs prêtant assistance. En échange, elles acceptent d’alléger les contrôles juridiques et administratifs au niveau national.

Les recommandations principales sont les suivantes :

  • Il incombe au premier chef aux États touchés de réduire les risques de catastrophe et d’assurer les secours et l’assistance au relèvement initial sur leur territoire.
  • Les sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, en tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, jouent un rôle essentiel de soutien au niveau national.
  • Les acteurs prêtant assistance et leur personnel devraient en tout temps se conformer aux lois de l’État touché et au droit international applicable, coordonner leurs activités avec les autorités nationales et respecter la dignité humaine des personnes touchées par une catastrophe.
  • Les acteurs prêtant assistance devraient veiller à ce que leurs opérations de secours et d’assistance au relèvement initial en cas de catastrophe soient menées conformément aux principes d’humanité, de neutralité et d’impartialité.
  • Afin de réduire au minimum les effets transfrontières et de maximiser l’efficacité de toute assistance internationale pouvant être requise, tous les États devraient avoir en place des procédures facilitant l’échange rapide d’informations sur les catastrophes, et coopérer avec les autres États et organisations humanitaires internationales.
  • Les États devraient adopter des cadres juridiques, directifs et institutionnels exhaustifs et des plans en matière de prévention, d’atténuation, de préparation, de secours et de relèvement qui tiennent pleinement compte du rôle d’auxiliaire que joue leur société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge.
  • La communauté internationale, notamment les donateurs, les acteurs régionaux et autres acteurs concernés, devrait apporter un soutien aux États en développement, aux acteurs de la société civile nationale et aux sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pour renforcer leurs capacités de prévenir, d’atténuer les catastrophes, de s’y préparer et d’y faire face au niveau national.
  • Les opérations de secours ou d’assistance au relèvement initial devraient être déclenchées uniquement avec le consentement de l’État touché et, en principe, sur la base d’un appel.
  • L’État touché devrait décider en temps opportun s’il y a lieu de demander ou non des secours ou une assistance au relèvement initial et communiquer promptement sa décision.
  • Des ressources militaires ne devraient être déployées pour des opérations de secours ou d’assistance au relèvement initial qu’à la demande ou avec le consentement exprès de l’État touché, après examen d’autres options civiles comparables.
  • En contrepartie, les États touchés devraient réduire les délais, taxes et restrictions à l’entrée des personnels, biens et équipements de secours et faciliter l’opération juridique des acteurs de secours dans les zones touchées.

Les lignes directrices prévoient également qu’une loi type relative à la facilitation et à la réglementation des opérations internationales de secours et d’assistance au relèvement initial en cas de catastrophe soit introduite dans la législation nationale de chaque pays (mise à jour en août 2011). Une base de données juridique rassemblant les législations nationales sur les catastrophes naturelles est également disponible sur les pages IDRL du site web de l’IFRC.

@ http://www.unisdr.org/fr

http://www.preventionweb.net

http://www.ifrc.org/fr/

Pour en savoir plus

Brauman R., L’Action humanitaire , Flammarion, « Dominos », Paris, 1995, 127 p.

Dombrowsky W. R., « Lessons learned ? Disasters, rapid change and globalization », Revue internationale de la Croix-Rouge , vol. 89, n° 866, juin 2007, p. 271-277.

Fidler D. P., « Governing catastrophes : security, health and humanitarian assistance », Revue internationale de la Croix-Rouge , vol. 89, n° 866, juin 2007, p. 247-270.

Hardcastle R. J. et Chua A. T. L, « Assistance humanitaire : pour un droit à l’accès aux victimes des catastrophes naturelles », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 832, 1998, p. 633-655.

Le Projet SPHERE, Charte humanitaire et normes minimales pour les interventions lors de catastrophes, Le Projet SPHERE, Genève, 2004. Disponible en ligne sur http://www.sphereproject.org/dmdocuments/handbook/hdbkpdf/hdbk_full_fr.pdf

Perrin P., « Stratégie de l’assistance médicale dans les situations de catastrophe », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 791, septembre-octobre 1991, p. 523-535.

« Présentation des Lignes directrices relatives à la facilitation et à la réglementation nationale des opérations internationales de secours et d’assistance au relèvement initial », Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 2007. Disponible en ligne sur http://www.ifrc.org/PageFiles/41203/introduction-guidelines-fr.pdf

« Rapport des progrès avec les Lignes directrices IDRL », Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, novembre 2009. Disponible en ligne sur http://www.ifrc.org/PageFiles/41203/IDRL-Progress-Report_fr.pdf

Walker P., « Les victimes de catastrophes naturelles et le droit à l’assistance humanitaire : point de vue d’un praticien », Revue internationale de la Croix-Rouge , décembre 1998, n° 832, p. 657-665.

« World Disasters Report 2010, focus on urban risk », Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, 220 p. Disponible en ligne sur http://www.ifrc.org/Global/Publications/disasters/WDR/WDR2010-full.pdf

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