Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Guerre

La guerre est un phénomène de violence collective organisée qui affecte les relations entre les sociétés humaines ou les relations de pouvoir à l’intérieur des sociétés. Elle est régie par le droit des conflits armés, aussi appelé « droit international humanitaire ».

L’histoire du droit international humanitaire est indissociable de l’histoire la plus ancienne et plonge ses racines dans toutes les cultures, toutes les religions et toutes les traditions. À toutes les époques, les dirigeants ont entouré l’activité militaire de règles, d’interdits et de tabous. L’objectif de ces règles est de maintenir le contrôle, la discipline et l’efficacité des forces armées. Leur objectif est également de limiter les effets de la violence et de la destructivité sur l’intégrité physique et mentale des combattants pour permettre leur réinsertion dans la société après les conflits.

Les premières réglementations de la guerre n’étaient pas universelles mais régionales. Ainsi peut-on parler du premier traité chinois sur l’art de la guerre de Sun Tzu auiv -v esiècle avant Jésus Christ. Ces règles étaient le plus souvent d’inspiration religieuse et avaient un souci d’humanisation des relations sociales, politiques et militaires. Mais ces règles n’étaient respectées qu’entre les peuples appartenant au même ensemble culturel. Elles étaient par contre bafouées quand il s’agissait de faire la guerre contre des ennemis qui ne parlaient pas la même langue ou vénéraient d’autres dieux. La théorie de la guerre juste ou guerre sainte a illustré l’ambiguïté de ce phénomène. Cette théorie de la guerre juste a progressivement évolué passant d’une exigence de « juste cause » à une exigence de « justes moyens ». Des juristes européens tels que Grotius, Vittoria ou Vattel, mais également musulmans tels que Chaybani ont ensuite traduit ces exigences morales en règles juridiques préfigurant la codification universelle contemporaine. Il faut noter que d’importants ouvrages islamiques en matière de droit des gens sont antérieurs à la codification européenne et ont sans doute influencé celle-ci.

C’est l’ensemble de ces traditions qui a été universalisé et intégré dans le droit international humanitaire contemporain. Celui-ci limite les possibilités du recours à la guerre dans les relations entre les États. Il affirme également que quels que soient les objectifs poursuivis les moyens utilisés sont limités par le droit humanitaire.

Droit international humanitaireOrganisation des Nations unies (ONU)Sécurité collective .

Ces règles ont été établies et acceptées par les États. Elles limitent les possibilités d’emploi de la force pour protéger les sociétés des effets durables de la guerre, en essayant d’éviter que les conflits atteignent un point de non-retour caractérisé par le massacre gratuit et l’extermination des populations civiles, qui rendent le retour à la paix et la réconciliation difficiles. Elles insistent aussi sur la nécessité de distinguer entre les civils et les combattants pour protéger les premiers et s’assurer que l’usage de la force est réservé à une organisation collective et hiérarchisée ayant un commandement.

Le droit des conflits armés a fait l’objet d’une codification progressive qui s’est étalée sur des centaines d’années. L’ancienneté de ces règles et leur pérennité fontqu’un certain nombre d’entre elles sont aujourd’hui considérées comme coutumières. Cela signifie qu’elles s’imposent même aux États ou aux belligérants qui ne les ont pas officiellement signées.

Le droit humanitaire a suivi l’évolution des diverses formes de guerre. Il a d’abord été centré sur les conflits interétatiques impliquant des affrontements directs entre adversaires de force équivalente. Cependant, les conflits de ces cinquante dernières années ne correspondent pas vraiment à ce cas de figure. Le développement des guerres de décolonisation a mis face à face des États et des mouvements non étatiques revendiquant leur autonomie politique. Il ne s’agissant donc pas d’un affrontement direct entre forces armées étatiques conventionnelles, mais d’activités de guérrilla, entreprises par des groupes non étatiques plus ou moins organisés, agissant dans l’espace civil. La période de la guerre froide fut marquée par l’« équilibre de la terreur » qui signifiait l’impossibilité d’un affrontement militaire direct entre les États possédant l’arme nucléaire. Cette situation a favorisé le déplacement des conflits sur le terrain civil et la multiplication des acteurs armés non étatiques. Le recours à la terreur contre les populations civiles fait partie depuis toujours, des méthodes de guerres caractéristiques de ce type de conflit asymétrique.

D’abord soucieux de la protection des combattants, le droit humanitaire a progressivement cherché à améliorer la protection des civils, puis à renforcer les règles applicables aux conflits armés internes. Ceci s’exprime dans la quatrième Convention de Genève de 1949 ainsi que dans les deux Protocoles additionnels de 1977. Le droit humanitaire continue à évoluer pour répondre à ces défis changeants en accordant une importance croissante à la coutume, c’est-à-dire aux pratiques des États et des belligérants, mais aussi des organisations humanitaires.

Droit international humanitaireGroupes armés non étatiques .

Les différents types de conflits

Le mot « guerre » n’est plus utilisé dans le droit international actuel qui préfère les termes de « conflit armé international » pour parler d’une guerre entre deux ou plusieurs États et de « conflit armé non international » pour parler d’une guerre civile. Il faut un certain seuil de violence pour qualifier une situation de « conflit armé ». En deçà de ce seuil, on parle seulement de « troubles » et « tensions internes ». Les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues ne sont pas des conflits armés (GP II art. 1.2). Le droit humanitaire s’applique dans les situations de conflit seulement. Dans les situations de troubles, certaines garanties fondamentales prévues à la fois par le droit humanitaire et les droits de l’homme restent toutefois applicables.

Garanties fondamentalesConflit armé internationalConflit armé non international-Conflit armé interne-Guerre civile… -Insurrection-RébellionTroubles et tensions internesÉtat d’exception, état de siège, état d’urgence .

Les belligérants

Dans les situations de guerre, la violence est utilisée massivement par les forces armées, de façon organisée et concertée. L’existence de certaines règles permet defaire la différence entre un conflit armé et le chaos. Les combattants doivent être organisés en unités de combat et obéir à une autorité hiérarchique qui donne les ordres et fait régner la discipline, incluant le respect de règles du droit humanitaire.

Les affrontements peuvent opposer des combattants appartenant à des autorités politiques officielles et reconnues telles que des gouvernements. Mais ils peuvent également obéir à une autorité politique qui n’a pas été reconnue par l’autre partie au conflit ni par d’autres États de la communauté internationale. C’est le cas notamment dans les guerres de libération nationale, lors des guerres civiles et dans les troubles qui entourent les coups d’État. Le droit des conflits armés s’applique à toutes les parties au conflit, quelle que soit la nature de l’autorité qui les dirige.

CombattantBelligérantPartie au conflitHaute partie contractanteMouvement de résistanceAccord spécialSituations et personnes non couvertesStatut juridique des parties au conflit .

Prévention de la guerre

Le recours à la guerre dans les relations internationales avait été banni en 1928 par le pacte Briand-Kellog. Ce bannissement fut peu efficace. La Charte des Nations unies limite le droit de recourir à la force dans les relations entre les États. Les États n’ont le droit d’utiliser la force armée qu’en état de légitime défense en cas d’agression. Les différends internationaux doivent être réglés pacifiquement, avec l’aide de la communauté internationale et des mécanismes mis en place à cet effet par le système des Nations unies. En fait, une obligation expresse impose aux États de rechercher une solution pacifique. En cas d’échec des moyens de règlement pacifique des différends et de menace à la paix et la sécurité internationale, la Charte de l’ONU prévoit la possibilité de l’emploi de forces armées internationales pour rétablir la paix. Ces différents mécanismes ont fonctionné de façon partielle et ad hoc au travers des opérations de maintien de la paix.

Malgré toutes ces dispositions, la guerre fait partie des relations internationales depuis les temps les plus reculés.

Maintien de la paixSécurité collectiveOrganisation des Nations unies (ONU)Conseil de sécurité des Nations unies (CS)Sanctions diplomatiques, économiques ou militairesLégitime défense .

Réglementation de la guerre

  • Le droit des conflits armés a fait l’objet d’une codification progressive qui s’est étalée sur des centaines d’années. La philosophie de cette réglementation est identique sur tous les continents.
  • La guerre n’est qu’une période transitoire. La façon dont elle est conduite ne doit pas rendre la paix impossible. En outre, les soldats doivent pouvoir se réadapter à la vie civile.
  • L’esprit de cette réglementation reste identique : éviter les souffrances et destructions inutiles ou celles qui sont sans proportion avec un avantage militaire précis. Il s’agit également de distinguer entre les objectifs civils et militaires.

À côté de cette réglementation générale de l’usage de la force dans le cadre de l’ONU, les États ont réglementé et limité les moyens et méthodes de guerre entre eux de façon antérieure à l’existence de l’ONU.

Le principe de base est que l’opération militaire n’est légitime que si elle constitue un moyen d’atteindre un objectif militaire précis. L’arme doit donc être adaptée à cet objectif et éviter les destructions et les souffrances inutiles. La technique de combat doit également permettre de distinguer entre les cibles civiles et militaires. Elle doit permettre également de secourir les victimes civiles pendant la durée des combats.

Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 sont l’expression la plus récente de cette tendance.

Droit de la violenceLes Conventions de La Haye, de Genève et des conventions spécifiques réglementent l’usage des méthodes de guerre.

Méthodes de guerreArmeAttaqueDroit international humanitaireConventions de La HayeConventions de Genève de 1949 et Protocoles additionnels I et II de 1977 .

Droit de l’assistanceLes Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977 détaillent en outre la protection des civils et les secours aux victimes des conflits.

Conventions de La HayeConventions de Genève de 1949 et Protocoles additionnels I et II de 1977SecoursProtectionBiens protégésPersonnes protégéesMission médicaleDroit d’accèsDroit d’initiative humanitaire .

Les garanties fondamentalesLes Conventions de Genève permettent d’appliquer certaines dispositions minimales dans n’importe quelle situation de conflit. Il s’agit notamment des règles essentielles du secours et de la protection des populations civiles.

Garanties fondamentalesAccord spécial .

Responsabilité

Les Conventions de Genève de 1949 fixent également les responsabilités précises des États mais aussi des commandants des forces armées et des individus en ce qui concerne l’application et le respect des règles du droit des conflits armés. Elles prévoient également les différentes sanctions pénales en cas de crimes de guerre et autres crimes contre l’humanité.

ResponsabilitéDevoirs des commandantsAttaqueProportionnalitéRespect du droit international humanitaireResponsabilitéSanctions pénales du droit humanitaireCrime de guerre-Crime contre l’humanité .

Pour en savoir plus

Fromm E., La Passion de détruire : anatomie de la destructivité humaine , Laffont, Paris, 1992, 523 p.

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Hassner P., La Violence et la Paix. De la bombe atomique au nettoyage ethnique , Esprit, Paris, 1995.

Huyghe F. B., « L’impureté de la guerre », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 873, mars 2009. Disponible en ligne sur http://www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-873-huyghe-fre.pdf

Jean F., Rufin J.-C. (sous la dir.), Économie des guerres civiles, Hachette-Pluriel, Paris 1996.

Joxe A., Voyage aux sources de la guerre , PUF, Paris, 1991.

Masson P., L’Homme en guerre. 1901-2001 , Éditions du Rocher, Paris, 1997.

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