Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Hiérarchie des normes

Le droit est un ensemble de règles de valeur inégale qui obéit au principe de la hiérarchie ou de la conciliation des normes. Il est donc toujours essentiel de vérifier qu’une règle n’est pas en contradiction avec un principe de droit qui lui est supérieur.

En droit national

La hiérarchie des normes dépend de l’autorité de l’organe qui a édicté la norme. Le type de normes juridiques et leur hiérarchie varient selon les pays en fonction de la nature du système juridique national. On distingue au moins deux grandes catégories que sont les systèmes de droit romano-germanique ( civil law ) et ceux de droit anglo-saxon ( common law ). Les systèmes qui font référence au droit islamique intègrent en général une référence au Coran dans leur constitution. Cette référence doit ensuite se traduire dans des lois et textes fixant le contenu et l’interprétation précise des différentes règles applicables aux individus. Il est donc difficile d’établir une hiérarchie générale dans l’ordre juridique interne. Toutefois, il est important de toujours vérifier que la règle qui est imposée n’est pas en contradiction avec une autre d’autorité supérieure, et qu’elle ne viole pas l’exercice d’un droit ou d’une liberté protégé par une norme de valeur plus élevée.

À titre indicatif, on trouve dans un ordre d’autorité décroissante :

  • Les conventions et traités internationaux,
  • la Constitution,
  • les ordonnances,
  • les lois,
  • les décrets,
  • les règlements.

En droit international

Une partie de la doctrine estime qu’il n’existe pas de hiérarchie entre les normes. Cette doctrine repose sur le postulat que les États sont les seules sources du droit international. Toutes les normes de droit international manifesteraient donc la volonté des États et seraient ainsi de valeur égale. Cet argument méconnaît le fait que :

  • la société internationale connaît une variété d’acteurs autres que les États qui contribuent avec eux à la production de droits et d’obligations internationaux. On parle souvent de « droit dérivé » pour qualifier les règles, résolutions, décisions, etc., produites notamment par les organisations internationales ;
  • le droit international reconnaît l’existence de règles de droit dont l’autorité est telle qu’elles s’imposent à la volonté des États. On parle de jus cogens ou de « normes impératives » pour qualifier ces règles que les États sont obligés de respecter, même si elles ne sont pas contenues dans un document écrit et signé par eux ;
  • de plus, tous les États qui ont adhéré à la Charte de l’ONU acceptent que leurs obligations en vertu de la Charte l’emportent sur tout autre accord international (article 103 de la Charte). Cela signifie que les accords qu’ils signent entre eux ouavec des entités non étatiques ne peuvent pas être en contradiction avec l’esprit ou la lettre de la Charte des Nations unies.

En pratique, le droit international se traduit par une variété de règles qui lient certains États et pas d’autres et qui s’appliquent donc de façon hétérogène dans l’espace. L’inflation et la diversité des textes internationaux obligent donc de toute façon à rechercher des mécanismes de conciliation entre des normes qui peuvent être contraires les unes aux autres.

Les normes juridiques internationales peuvent être écrites ou non écrites et prendre des formes diverses, notamment, dans un ordre d’autorité décroissant :

  • le jus cogens ;
  • la Charte des Nations unies ;
  • les résolutions du Conseil de sécurité fondées sur le chapitre VII ;
  • les conventions internationales et la coutume ;
  • les contrats internationaux et les mandats opérationnels de forces ou d’institutions internationales ;
  • le droit dérivé et autres résolutions, recommandations, décisions des organisations internationales.

La Cour internationale de justice (CIJ) a défini sa propre hiérarchie des normes quand elle doit prononcer un jugement. Cette hiérarchie est la suivante :

  • les conventions internationales ;
  • la coutume internationale comme preuve d’une pratique générale acceptée comme étant le droit ;
  • les principes généraux du droit reconnus par les nations civilisées ;
  • les décisions de justice et la doctrine, comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit (article 38.1 du statut de la CIJ).

La Cour pénale internationale doit appliquer d’abord les règles prévues par son statut, puis les principes établis du droit international des conflits armés ainsi que les principes et règles de droit interprétés dans le cadre de ses jugements antérieurs (article 21 du statut de la CPI).

Il est important de savoir interpréter la valeur et le sens des règles de droit. Les dispositions d’une convention prévalent sur celles d’une autre portant sur le même sujet et qui lui est antérieure. Les dispositions les plus précises prévalent aussi généralement sur celles plus vagues ou plus générales (article 30 de la Convention de Vienne sur le droit des traités).

Convention internationaleCour internationale de justice (CIJ) .

Contrôle du respect de la hiérarchie des normes

Les mécanismes permettant en pratique de concilier des normes contradictoires ou de veiller au respect de cette hiérarchie et à la conformité des normes par rapport à celles qui leur sont supérieures sont très insuffisants.

  • Au niveau national, il existe dans certains pays un système de contrôle de la constitutionnalité des lois. Celui-ci permet de contrôler a priori qu’une loi n’est pas en contradiction avec la Constitution. Il existe également la possibilité pour le législateur d’un pays de ratifier les conventions internationales signées par lepouvoir exécutif. Cela lui permet de ne pas prendre d’engagements internationaux incompatibles avec les lois nationales.

En dehors de ces mécanismes, la seule possibilité de contrôle repose sur les jugements des tribunaux saisis d’un litige précis. Ce contrôle intervient a posteriori et n’agit que dans le cas d’espèce soumis.

  • Au niveau international, l’absence de système judiciaire efficace limite les possibilités de contrôle du respect de la hiérarchie des normes. La Cour internationale de justice peut être saisie, par les États et les organisations internationales, au sujet de l’interprétation du droit. En plus de ce système général à l’efficacité limitée, il existe parfois des possibilités de faire « dire le droit » par des organismes régionaux (Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme, par exemple). Le recours à ces organismes est le plus souvent limité aux acteurs directs impliqués dans le cas d’espèce. Il est également soumis à de nombreuses conditions.

Dans le cadre des Nations unies, divers comités ont été créés pour surveiller l’application des conventions relatives aux droits de l’homme. Ces comités examinent de façon périodique les lois et autres mesures nationales d’application de ces conventions et s’assurent qu’elles sont correctement interprétées et appliquées. Les individus et les ONG peuvent avoir recours à ces comités.

Certains organes judiciaires régionaux peuvent aussi rendre des jugements sur la compatibilité des lois nationales avec des conventions internationales précises. Les Cours européenne et interaméricaine des droits de l’homme peuvent par exemple rendre des jugements sur ces questions-là. Le recours à ces Cours est limité aux parties directement concernées par une plainte. Il existe également de nombreuses limites à la recevabilité de ces plaintes.

Recours individuelsDroits de l’homme

  • Dans le domaine de l’action humanitaire, les acteurs doivent veiller à ce que les différentes décisions prises par les États et les organisations internationales restent compatibles avec les principes et les exigences du droit international humanitaire.
  • Les ONG doivent veiller à ce que ces principes et droits soient mentionnés à l’occasion des différentes actions de secours ou accords opérationnels.

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