Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Sanctions pénales du droit humanitaire

Les sanctions pénales ou disciplinaires prononcées par une puissance détentrice ou une force d’occupation en période de conflit sont réglementées par les garanties judiciaires fixées par le droit humanitaire.

Garanties judiciaires

Le système de sanctions prévu par les Conventions de Genève

Un système particulier de sanctions pénales a été prévu par les Conventions de Genève pour sanctionner les violations du droit international humanitaire commises par des individus, des administrations et des organisations dépendant d’un État.

Les violations du droit humanitaire sont le fait de combattants agissant sur ordre d’un supérieur hiérarchique ou de leur propre fait. Ces violations interviennent dans des situations où l’ordre public normal n’est plus garanti. Mais dans ces situations, l’usage de la force s’exerce au nom des supérieurs hiérarchiques ou au moins sous leur autorité.

En droit humanitaire, le principe d’autorité est toujours doublé d’un principe de responsabilité. Le droit humanitaire organise la sanction et la dissuasion des violations graves de ses dispositions via une chaîne de responsabilités qui peut toujours être montée ou descendue en fonction des caractéristiques de chaque situation : responsabilité des États, responsabilité des commandants et responsabilité individuelle des combattants.

  • La responsabilité d’une partie au conflit peut être mise en cause si elle ne peut pas prouver qu’elle a pris des sanctions disciplinaires contre ceux de ses soldats qui ont commis de leur propre chef des actes interdits par le droit humanitaire.
  • Les combattants restent personnellement responsables de leurs actes, même s’ils ont agi sur ordre d’un supérieur. Dans ce cas, la responsabilité du supérieur qui a donné l’ordre illégal est aussi engagée.
  • Les auteurs des infractions graves au droit humanitaire peuvent être jugés devant n’importe quel tribunal de n’importe quel pays. C’est le principe de compétence universelle.
  • Les États ne peuvent pas décider de s’exonérer seuls, ou mutuellement, de leur responsabilité de réparation concernant les infractions graves aux Conventions de Genève qui auraient été commises par leurs ressortissants ou en leur nom (GI art. 51 ; GII art. 52 ; GIII art. 131 ; GIV art. 148).

Le droit humanitaire a imposé aux États l’obligation de respecter et de faire respecter le droit humanitaire en prenant au niveau national toutes les mesures législatives, éducatives, répressives et judiciaires nécessaires (GI-IV art. 1). Les Conventions de Genève de 1949 ont également créé une obligation de solidarité judiciaire entre les États pour rechercher et juger devant leurs propres tribunaux les auteurs de ces infractions graves, quelle que soit la nationalité de l’auteur des faits. On parle à ce sujet du système de la compétence universelle.

Les sanctions par les tribunaux internationaux

  • Deux tribunaux pénaux internationaux ad hoc ont été créés en 1993 et 1994 pour juger les crimes commis en ex-Yougoslavie et au Rwanda (notamment des violations du droit humanitaire). Ils ont rendu un grand nombre de jugements. Ces jugements constituent une véritable jurisprudence internationale qui a permis d’unifier les différents éléments de définition concernant les crimes de guerre et crimes contre l’humanité et les violations graves des Conventions de Genève. Cette jurisprudence éclaire également les conditions et le contenu de la responsabilité pénale des individus par rapport à ces crimes et les éléments de preuve requis pour établir l’existence de ces violations. (Voir Index alphabétique : Jurisprudence.)
  • Le statut de la Cour pénale internationale a été adopté en juillet 1998, à Rome, à l’issue d’une conférence diplomatique organisée sous l’égide de l’ONU. Il est entré en vigueur le 1erjuillet 2002. La Cour est chargée, sous certaines conditions, de juger les auteurs de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, génocide et crime d’agression. Elle intervient donc comme une institution complémentaire des institutions judiciaires nationales dans le domaine de la répression des grands crimes de droit international. Le travail de la CPI permet d’unifier l’interprétation du droit humanitaire et d’harmoniser les systèmes de sanctions judiciaires des violations graves aux niveaux national et international.

Pour en savoir plus

Fernandez Flores J.L., « La répression des infractions individuelles au droit de la guerre », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 789, mai-juin 1991, p. 263-311.

Harouel -Bureloup V., « La sanction des violations du droit international humanitaire », in Traité de droit humanitaire , PUF, Paris, 2005, p. 417-480.

Jones J.R.W.D., Powles S., International Criminal Practice , 3eéd., Oxford University Press, 2003, 1 085 p.

Lanotte O., Répression des crimes de guerre - Espoir ou utopie ?, Les Dossiers du GRIP, Bruxelles, 1995.

La Rosa A. M. et Wuerzner C., « Groupes armés, sanctions et mise en œuvre du droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 870, juin 2008. Disponible en ligne sur http://www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-870-larosa-wuerzner-web-fra-final.pdf

Laucci C., « Juger et faire juger les auteurs de violations graves du droit international humanitaire : réflexions sur la mission des tribunaux pénaux internationaux et les moyens de l’accomplir », Revue internationale de la Croix-Rouge , juin 2001, n° 842, p. 407-439.

Philippe X., « Les sanctions des violations du droit international humanitaire : problématique de la répartition des compétences entre autorités nationales et internationales », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 870, juin 2008. Disponible en ligne sur http://www.icrc.org/fre/assets/files/other/irrc-870-philippe-pr-web-fra.pdf

Queguiner J.F., « Dix ans après la création du tribunal pénal international pour l’ex- Yougoslavie : évaluation de l’apport de la jurisprudence au droit international humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 850, juin 2003, p. 271-311.

Roling B.V.A., « Aspects of criminal responsability for violations of the laws of war », in Cassese A., The New Humanitarian Law of Armed Conflict , Editoriale Scientifica, 1979, vol. I, p. 199-231.

Somer J., « Jungle justice : passing sentence on the equality of belligerents in non international armed conflicts », Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 89, n° 867, septembre 2007.

Verhaegen J., « Entraves juridiques à la poursuite des infractions au droit humanitaire », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 768, novembre-décembre 1987, p. 634-647.

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