Comités des sanctions
Le Conseil de sécurité des Nations unies (CS ONU) crée des comités des sanctions chargés de surveiller la mise en œuvre et les effets des embargos ou des sanctions qu’il a décidé d’imposer à des États ainsi qu’à des entités non étatiques ou à des individus. Les embargos peuvent être imposés à l’encontre de certains articles seulement, comme les armes, ou ils peuvent être « totaux », bloquant toutes les formes d’échanges économiques.
☞ Même dans le cas d’un « embargo total », les fournitures humanitaires, protégées par le droit humanitaire international (DIH) au profit des populations en danger, au titre des biens essentiels à la survie de la population victime de conflits, ne peuvent être interdit et leur acheminement ne doit pas être entravés. Ces fournitures humanitaires doivent rester en dehors du champ d’application des embargos et des sanctions. Elles doivent bénéficier d’une exemption générale ou ad hoc dans les différents régimes de sanctions. Les comités des sanctions décident si un bien peut être exempté de l’embargo, en tenant compte de la nature commerciale ou humanitaire de la transaction ou des biens en question.
➔ Embargo; Sanctions (diplomatique, économique ou militaire
I. Rôle et Structure
Même dans une situation d’« embargo total », le gel des échanges commerciaux ne peut pas conduire à interdire l’envoi de secours humanitaires prévus par le droit international au profit des populations en danger. Le Comité des sanctions doit donc examiner les demandes d’exemption concernant les biens en prenant en considération la nature commerciale ou humanitaire de la transaction ou des biens en question.
Les comités des sanctions examinent les demandes d’exemption et autorisent les importations de fournitures de secours à caractère humanitaire Ces demandes ne peuvent être faites que par les États et les organisations humanitaires intergouvernementales (par exemple, les agences des Nations unies et le Comité international de la Croix-Rouge).
Les comités des sanctions examinent les demandes d’exemption et autorisent au cas par cas les importations de de manière générale ou au cas par cas (voir ci-dessous pour plus d’informations). Ces demandes ne peuvent être déposées que par les États et par des organisations internationales humanitaires (les agences de l’ONU et le Comité international de la Croix-Rouge).
Les organisations non gouvernementales (ONGs) qui souhaitent obtenir des exemptions ou des fournitures de secours doivent passer par l’intermédiaire de l’État où se trouve leur siège. Concrètement, cela signifie que les ONGs doivent adresser leur demande au ministère compétent, qui la transmet à son tour à son ambassadeur auprès de l’ONU, lequel la soumet enfin au comité des sanctions compétent.
Les comités des sanctions sont généralement créés par la résolution qui a initialement imposé les sanctions. Ils sont créés conformément à l’article 28 du Règlement intérieur provisoire du CS ONU et sont généralement désignés par le numéro de la résolution du CS ONU qui a imposé la sanction. En date de janvier 2022, des comités des sanctions existent pour les onze pays suivants : République centrafricaine (depuis 2013), République populaire démocratique de Corée (depuis 2006), République démocratique du Congo (depuis 2004), Guinée-Bissau (depuis 2012), Irak et Koweït (depuis 2003), Libye (depuis 2011), Mali (depuis 2017), Somalie (depuis 1992), Soudan (depuis 2005), Soudan du Sud (depuis 2015) et Yémen (depuis 2014). De plus, deux comités des sanctions ont été créés en 1999 (1267) et en 2001 (1373) pour superviser les sanctions imposées à l’encontre d’individus et d’entités spécifiques liés à Al-Qaïda et aux Talibans ainsi qu’à ceux qui soutiennent le terrorisme : Le Comité des sanctions contre EIIL (Da’esh) et Al-Qaïda supervise l’application des résolutions 1988 et 1989 (2011). Ce comité des sanctions a été créé en 2015 pour superviser les sanctions à l’encontre des « personnes, groupes, entreprises et entités qui sont associés aux Talibans en constituant une menace pour la paix, la stabilité et la sécurité de l’Afghanistan ».
Des comités des sanctions ont également été créés pour surveiller les sanctions imposées à des individus, tels que des personnalités politiques ou des représentants de l’État. C’est le cas du comité des sanctions créé en 2003 (1518) pour poursuivre l’identification des hauts responsables de l’ancien régime irakien et des membres de leur famille immédiate, y compris les entités détenues ou contrôlées par eux ou par des personnes agissant en leur nom. Un autre comité des sanctions a été créé en 2005 (1636) pour superviser les sanctions imposées aux personnes soupçonnées d’être impliquées dans l’attentat terroriste à la bombe du 14 février 2005 à Beyrouth, au Liban.
Des comités des sanctions ont également existé pour les pays suivants mais ont été dissous depuis : Angola (1993-2002), Côte d’Ivoire (2004-2016), Érythrée et Éthiopie (2000-2001), Haïti (1993-1994), Irak et Koweït (1990-2003), Liberia (1995-2001, 2001-2003 et 2003-2016), Libye (1992-2003), Rwanda (1994-2008), Sierra Leone (1997-2010), Somalie (1992-2018), Afrique du Sud (1977-1994), Rhodésie du Sud (1968-1979) et Ex-Yougoslavie (1991-1996, 1998-2001). Un comité des sanctions supplémentaire avait été créé concernant la question du nucléaire iranien (2006-2015).
Chaque comité est composé des quinze membres du CS ONU et élit un président pour un an parmi les membres non permanents du CS ONU. Le président est assisté d’un secrétariat (un secrétaire et cinq à six autres personnes), qui fait partie du département des affaires politiques de l’ONU (DPPA).
Chaque comité adopte aussi ses propres règles de fonctionnement, mais elles sont généralement les mêmes pour tous les comités. Les décisions sont prises par consensus (il y a donc un droit de veto pour tous les membres) et en présence de tous les membres (l’absence de l’un d’eux bloque donc toute décision).
Les organisations étatiques régionales (par exemple, l’UA, l’OEA, etc.) peuvent également créer des comités des sanctions si elles sont à l’origine de l’embargo. La composition de leurs comités et leurs procédures d’exemption peuvent différer.
II. Les procédures d’exemption
Les comités des sanctions suivent différentes procédures de décision concernant les exemptions, qui varient en fonction de la nature des biens humanitaires en question.
1. La notification des biens humanitaires
La procédure générale pour les biens humanitaires est utilisée par les États membres, les OIs ou les ONGs. Les OIs et les ONGs doivent demander une exemption par l’intermédiaire d’un État membre, en liaison avec le gouvernement de l’État dans lequel se trouve leur siège. La demande doit mentionner tous les détails demandés par le CS ONU (nature de l’aide humanitaire, pourquoi, quand elle sera livrée, quels acteurs sont impliqués, itinéraires, transactions financières, etc.)
Dans la pratique, cela signifie que les ONGs doivent adresser leur demande au ministère compétent, qui transmet ensuite la demande à l’ambassadeur de l’État auprès de l’ONU, qui la soumet enfin au Comité des sanctions compétent. S’il est impossible de demander à l’État dans lequel se trouve leur siège, les OIs ou les ONGs peuvent s’adresser au bureau du coordinateur résident de l’ONU du DPPA ou au secrétaire du Comité.
Cependant, pour les agences de l’ONU, le CICR, la FICR et le Comité international olympique, la procédure est simplifiée. Il leur suffit d’envoyer une lettre de notification au Comité des sanctions. L’accusé de réception de la lettre, envoyé ensuite par le président du Comité, suffit comme autorisation permettant l’importation des biens.
2. Procédure de nonobjection pour tous les autres biens
Pour tous les autres biens non humanitaires, chaque demande d’exemption doit être envoyée au secrétariat du comité des sanctions sur un formulaire standard. Ce dernier la communique à tous les membres et un délai est fixé pour que les membres expriment leur opposition éventuelle. Si, à l’échéance de ce délai, aucun membre du comité n’a émis d’objection, le président considère que la demande est acceptée et en informe l’organisation requérante par lettre.
Cette autorisation d’exemption est accordée pour une durée prédéterminée (par exemple, une exemption de trois mois a été accordée dans le cas du Comité 724 sur l’ex-Yougoslavie, qui a suivi l’« embargo général et complet sur toutes les livraisons d’armes et d’équipements militaires » à ce pays, imposé le 15 décembre 1991 par la résolution 724 du CS ONU). Toutefois, si un ou plusieurs membres du Comité contestent la demande, celle-ci fait l’objet d’un, ou au maximum de deux, réexamens. Les décisions finales des comités ne sont pas susceptibles d’appel. Chacune des cinq catégories de biens spécialement mentionnées par le CS ONU (embargo sur les armes, interdiction de voyager, gel des avoirs, approbation des comptes correspondants et produits pétroliers raffinés) peut avoir des exigences légèrement différentes, la procédure pour chacune d’entre elles est détaillée sur le site web du CS ONU.
Les ONGs ont souvent critiqué les comités des sanctions pour le manque de transparence de leur processus de décision concernant les exemptions. Les décisions sont prises à huis clos, n’ont pas à être motivées et ne font l’objet d’aucun procès-verbal. Les critiques des ONGs portent aussi sur les délais de réponse aux demandes d’exemption. De tels délais sont évidemment incompatibles avec des situations d’urgence.
Enfin, les procédures d’embargo et les comités des sanctions sont destinés à exercer des pressions politiques sur un gouvernement. La procédure des comités des sanctions pèse souvent lourdement sur l’indépendance des actions humanitaires entreprises dans de telles circonstances. Elle demande aux organisations d’aide humanitaire de respecter des procédures spécifiques avant de pouvoir offrir l’aide humanitaire dont elles ont un urgent besoin, retardant ainsi son acheminement. De plus, les conséquences imprévues des sanctions peuvent avoir un impact majeur sur la population civile d’un pays touché par un conflit armé. Par exemple, l’imposition de sanctions par l’ONU en Irak depuis 1989 a créé un désastre humanitaire, notamment une crise sanitaire.
3. Les biens humanitaires exclus des embargos
Les fournitures à usage strictement médical et les denrées alimentaires, (y compris les médicaments, les biens médicaux et autres) sont considérés comme des biens humanitaires par nature. Ils sont exempts de tout embargo et ne sont soumis qu’à la procédure de notification.
Certains autres biens qui permettent le fonctionnement de certaines institutions, telles que les écoles et les hôpitaux, et qui sont considérés comme « indispensables à la survie de la population civile », sont appelés « biens humanitaires par destination ». Ces biens peuvent également être exclus des embargos. Toutefois, ils sont soumis à la procédure un peu plus lourde de non-objection.
➔ Sanctions diplomatiques, économiques ou militaires; Secours; Embargo ; Biens protégés ; Conseil de sécurité
Pour plus d’information :
Biersteker, Thomas, Zuzana Hudakova et Marcos Tourinho, UN SanctionsApp: An Interactive Database of UN Sanctions, août 2020, Disponible en ligne sur https://unsanctionsapp.com.
Caritas Europa, A People Sacrificed: Sanctions against Iraq, 28 février 2001, disponible sur: https://reliefweb.int/report/iraq/people-sacrificed-sanctions-against-iraq-report-caritas-europa
David Cortright et George A. Lopez, “Are Sanctions Just? The Problematic Case of Iraq” dans Journal of International Affairs, Vol. 52, No. 2 (Printemps 1999): p. 735-755.
Organisation mondiale de la Santé, The Health Conditions of the population in Iraq since the gulf crisis, WHO/EHA/96.1, Mars 1996, disponible sur: https://apps.who.int/disasters/repo/5249.html