Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Embargo

Il est important de faire la distinction entre les embargos et les actes de guerre tels que les blocus ou les sièges. En vertu du droit international, un embargo n’est pas un acte de guerre, mais une sanction qui peut être prise individuellement ou collectivement à l’encontre d’un pays, par les États membres des Nations unies (ONU). Il est destiné à sanctionner un comportement international illicite d’un État. Les embargos collectifs sont généralement décidés par le Conseil de sécurité des Nations unies (CS ONU), agissant en vertu du chapitre 7 de la Charte des Nations unies, lorsqu’il est confronté à des menaces contre la paix, des ruptures de la paix et des actes d’agression (article 41 de la Charte des Nations unies). Les organisations intergouvernementales régionales peuvent également imposer des embargos (par exemple, l’UE ou l’Organisation des États américains « OEA » ont imposé un embargo à Cuba en 1962). Un État peut également imposer un embargo et des sanctions à un autre État sur une base bilatérale.

L’objectif d’un embargo est de forcer un État à modifier son comportement ou à se conformer à une décision ou à un ordre international.

Les embargos peuvent être appliqués à tous moyens de transport (ils étaient à l’origine destinés aux navires) et à toute catégorie de marchandises ou de produits—notamment les armes ou autres produits stratégiques ou les produits pétroliers. Lorsque le CS ONU ou un État impose un embargo, soit il bloque directement tous les transports à destination de l’État sur lequel l’embargo a été déclaré, soit il interdit toute exportation de produits désignés/listés vers l’État sur lequel il veut faire pression. Les exportations de l’État visé par l’embargo vers celui qui l’impose sont également bloquées.

L’embargo est une pratique spécifique qui s’inscrit dans la catégorie plus large des sanctions internationales.

☞ Les secours humanitaires sont toujours exemptés d’embargo, même dans le cas d’« embargos totaux » sur toutes les formes de commerce économique. Dans la pratique, lorsque le CS ONU ou l’organisation régionale impose un embargo, il crée un groupe ou un comité spécial (par exemple, l’ONU crée un comité des sanctions) chargé de surveiller la mise en œuvre et les effets de l’embargo ou des sanctions. Ce comité décide si un produit est exempté de l’embargo, en tenant compte de la nature commerciale ou humanitaire de la transaction ou des marchandises en question.

Un certain nombre de biens sont considérés comme humanitaires par nature (médicaments, matériel médical et nourriture) ou par destination (tout bien pouvant servir à des fins humanitaires, comme les abris, les fournitures scolaires, l’eau et l’assainissement, le matériel de construction, etc.). Le Comité des sanctions compétent accorde à ces biens des exemptions partielles à l’embargo.

Le principe établi par les Conventions de Genève (CGs) de 1949 et leurs Protocoles additionnels (PA) de 1977 pose que les États sont dans l’obligation de permettre le libre passage des secours qui ont un caractère exclusivement « humanitaire et impartial » (CGV, art. 23, PAI, art. 70 et PAII, art. 18(2)). Le type de biens considérés comme humanitaires en vertu des CGs et des PAs est beaucoup plus large que les biens automatiquement considérés comme humanitaires par les comités des sanctions : il comprend les vêtements, les abris et les matériaux de construction. Cette différence s’explique par le fait que le droit international humanitaire (DIH) prévoit déjà un contrôle de la distribution des secours qui est effectué par les organisations humanitaires.

Ce principe a aujourd’hui acquis un caractère de norme coutumière. En effet, la Règle 55 de l’étude sur les règles de DIH coutumier publiée par le CICR en 2005 prescrit que « les parties au conflit doivent autoriser et faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires destinés aux personnes civiles dans le besoin, de caractère impartial et fournis sans aucune distinction de caractère défavorable, sous réserve de leur droit de contrôle ». Cette règle est applicable dans les conflits armés internationaux et non-internationaux.

➔ Biens protégés; Secours; Droits d’accès ; Sanctions diplomatiques, économiques ou militaires; Comités des sanctions; Ravitaillement.

Pour plus d’information :

Braunmülch, C. Von et M. Kulessa, The Impact of UN Sanctions on Humanitarian Assistance Activities, Report on a Study Commissioned by the UN Department of Humanitarian Affairs. New York: United Nations, 1995.

Minear, Larry, “The Morality of Sanctions.” dans Hard Choices: Moral Dilemmas in Humanitarian Intervention, édité par Jonathan Moore, 229–50. Lanham, MD: Rowman & Littlefield, 1998.

Palwankar, Umesh, “Measures Available to States for Fulfilling Their Obligation to Ensure Respect for International Humanitarian Law.” Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 34, No. 298 (Mars 1994): 9–25.

Scarf, Michael P. et Joshua L. Dorosin. “Interpreting UN Sanctions: The Rulings and Role of the Yugoslavia Sanctions Committee.” Brookings Journal of International Law, 19 (1993): 771, 807–10.

Article également référencé dans les 3 catégories suivantes :