Réfugiés en mer (boat people)
Le problème posé par cette catégorie de personnes en quête d’asile est plus complexe dans la mesure où le sauvetage en mer s’effectue conformément aux droits et usages maritimes. Plusieurs États se trouvent donc concernés par le sort des boat people : l’État d’origine, l’État du pavillon, l’État où le navire effectue sa première escale à la suite du sauvetage et, le cas échéant, l’État qui offre une possibilité de réinstallation. Cette pluralité favorise les pratiques restrictives, et spécialement le refus d’admission sur le territoire de l’État où le demandeur d’asile tente de pénétrer après avoir été recueilli. Le terme de « boat people » est apparu à la fin des années 1970 avec le départ en masse des réfugiés vietnamiens à la suite de la guerre du Viêt-nam. Depuis, il y a eu de nombreux exemples de boat people , notamment les centaines de réfugiés somaliens et éthiopiens qui traversent régulièrement le golfe d’Aden pour rejoindre le Yémen, les réfugiés qui ont fui la Libye pour l’Italie en 2012 au cours de la guerre civile qui dévasta le pays, ou les centaines de réfugiés qui fuient la Birmanie pour l’Indonésie par le golfe du Bengale du fait des violences intercommunautaires.
On peut fixer quelques principes de droits applicables aux réfugiés en mer.
- Tout clandestin ou boat people n’est pas forcément selon le droit international un réfugié en mer. Encore faut-il que la personne fuyant son pays par les eaux entre dans la définition de l’article 1.A de la Convention relative au statut de réfugiés de 1951 ou dans celle de la Convention de l’OUA de 1969. C’est-à-dire qu’il craigne avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Selon le HCR, moins de 10 % des passagers clandestins entreraient dans cette définition.
- Les réfugiés en mer sont sous la protection que leur offre l’État du pavillon de leur navire. La situation sera donc différente selon qu’il s’agit de boat people ou de passagers clandestins de navire battant l’un ou l’autre pavillon national.
- Les réfugiés qui fuient sur leurs propres embarcations de fortune ne peuvent pas bénéficier de la protection de leur pavillon, puisque c’est précisément la protection de cet État qu’ils cherchent à fuir.
La fragilité de leur bateau pourrait permettre de poser leur problème sous l’angle de l’obligation d’assistance et des réglementations relatives au sauvetage en mer des bateaux en perdition. La Convention de Bruxelles de 1980 réaffirme qu’un capitaine qui, alors qu’il peut le faire sans danger sérieux pour son navire, son équipage ou ses passagers, ne prête pas assistance à toute personne, même ennemie, trouvée en mer en danger de se perdre, peut être puni d’amende ou d’emprisonnement. Ce texte permet de secourir en mer les réfugiés en danger de perdition. Mais il ne permet pas de déterminer sur quelles côtes ils doivent être débarqués.
- Une convention du 10 octobre 1957 signée à Bruxelles règle sur le papier le statut des passagers clandestins. Elle impose l’obligation d’accueillir les clandestins à l’État de première escale et non à celui du pavillon. Depuis 1957, cette convention n’est toujours pas entrée en vigueur car les États n’acceptent pas d’assumer aussi clairement une telle obligation vis-à-vis de passagers clandestins.
- Aucune règle acceptée par les États ne permet de dire avec certitude quel est l’État qui a l’obligation d’accepter le débarquement sur son territoire des personnes secourues en mer : État du pavillon ou État de première escale.
- C’est ce même dilemme qui est rencontré par les passagers clandestins qui montent sur un bateau faisant escale dans leur pays en espérant pouvoir débarquer dans un pays étranger au leur. La responsabilité de l’État du pavillon du navire et celle de l’État de première escale ne sont pas tranchées de façon absolue par le droit international en ce qui concerne l’accueil des clandestins. La responsabilité des capitaines n’en est que plus grande et plus inconfortable.
- Sur le plan pratique, seules les obligations de sauvetage en mer sont aujourd’hui clairement prévues par le droit. C’est sur ce plan que peuvent être protégés, dans un premier temps et le mieux possible, les réfugiés en mer, car l’absence de solution de débarquement entraîne de façon mécanique des refus de sauvetage plus ou moins caractérisés. L’échouage des « épaves » sur les côtes semble aujourd’hui la seule possibilité juridique de débarquement des réfugiés.
Le HCR peut jouer un rôle essentiel pour résoudre ce dilemme en proposant des procédures de réinstallation dans des pays de deuxième asile, à l’État de première escale ou à celui qui accepte l’accueil des réfugiés.
Pour en savoir plus
HCR, Rapport spécial. L’exode indochinois et le PAG , HCR, juin 1996.