Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Comité contre la torture (CCT)

Il s’agit de l’organe qui surveille l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée le 10 décembre 1984 et ratifiée en juin 2015 par 158 États. Son existence est prévue par l’article 17 de la convention. Il est entré en fonction en 1987 et est composé de dix experts indépendants, « de haute moralité et possédant une compétence reconnue dans le domaine des droits de l’homme ». Les membres du Comité sont ressortissants des États parties et sont élus par ces derniers, respectant une représentation géographique équitable, pour un mandat de quatre ans renouvelable.

La compétence du Comité est celle d’un organe conventionnel, c’est-à-dire qu’elle est limitée aux États parties qui ont accepté ses différentes compétences en signant la convention. Les États ont aussi la possibilité de faire des réserves concernant certaines activités du Comité. En dehors des activités du Comité, la convention autorise les victimes à porter plainte devant les tribunaux de tout pays où l’auteur est localisé.

La convention prévoit quatre types de contrôles différents, qui dépendent pour la plupart de l’acceptation des États. Un Protocole facultatif à la convention, adopté en décembre 2002 par les Nations unies et entré en vigueur en juin 2006, prévoit également la mise en place d’un système de visite des lieux où des personnes sont privées de liberté, effectuées par un sous-comité contre la torture et un ou plusieurs organes nationaux indépendants.

Contrôle sur rapports

L’article 19 prévoit que chaque État partie doit remettre un rapport initial, un an après ratification de la convention, puis un rapport périodique tous les quatre ans. La procédure d’examen par le Comité, qui n’a commencé qu’en 1990, donne lieu à des « commentaires » transmis à l’État et éventuellement publiés dans le rapport annuel sur les activités du Comité.

Ce contrôle est obligatoire : il s’applique par conséquent aux 158 États parties à la Convention de 1984.

Recueil de renseignements et pouvoir d’enquête

L’article 20 autorise le Comité à recevoir des informations transmises par des États, des organisations gouvernementales et non gouvernementales et des particuliers. Si ces renseignements comportent des indications bien fondées et crédibles (avec par exemple une présentation de l’organisation qui transmet) et s’ils révèlent le caractère systématique de la torture, le Comité peut demander des explications à l’État accusé, puis charger un de ses membres d’effectuer une enquête, qui peut comprendre une visite sur le territoire de cet État avec son consentement, pour un rapport rapide. Cette procédure d’enquête reste confidentielle et les conclusions sont transmises à l’État mis en cause.

Cette compétence est en principe obligatoire, mais certains États l’ont écartée en émettant une réserve sur l’article 20. En juin 2015, 14 États avaient émis une telle réserve : Afghanistan, Arabie Saoudite, Chine, Émirats arabes unis, Erythrée, Guinée équatoriale, Israël, Koweït, Laos, Mauritanie, Pakistan, Pologne, Syrie, Vietnam.

Contrôle sur communications étatiques (art. 21)

C’est la possibilité pour un État partie à la convention d’appeler l’attention, par écrit, d’un autre État partie, pour violation de ses obligations au titre de la convention (art. 21). C’est seulement si les deux États ne parviennent pas à résoudre leur différend de façon bilatérale, au bout de six mois, qu’ils peuvent saisir le Comité contre la torture. Le Comité propose ses bons offices pour trouver une solution à l’amiable. Il peut créer à cette fin une commission de conciliation. Il dispose d’un délai de douze mois pendant lesquels il peut recevoir les explications écrites et orales des États concernés, et à l’issue duquel il leur remet un rapport.

La compétence du Comité est soumise à deux conditions cumulatives :

  • l’État demandeur et l’État défendeur doivent avoir accepté la clause de compétence du Comité prévue par l’article 21 de la convention. 61 États parties à la Convention de 1984 ont accepté la compétence du Comité en matière de communications étatiques ;
  • la victime des violations doit avoir épuisé tous les recours internes, sauf si ces recours sont longs et inefficaces.

Contrôle sur communications individuelles (art. 22)

Il permet à un particulier (la victime, un membre de sa famille ou son représentant légal) de porter plainte pour torture devant le Comité.

Cette possibilité est limitée aux individus se trouvant sur le territoire des États qui ont souscrit à la clause facultative de l’article 22 de la convention (65 à ce jour). La plainte est en outre soumise à plusieurs conditions de recevabilité : la plainte ne doit être ni anonyme ni considérée par le Comité comme un abus de droit ou comme incompatible avec les dispositions de la convention. Elle ne doit pas non plus avoir été ou être examinée par une autre instance internationale. La victime doit enfin avoir épuisé tous les recours internes. L’examen sur le fondest confidentiel et dure six mois, pendant lesquels les explications de l’État et de l’auteur de la plainte sont transmises au Comité. C’est sur la base de ces informations qu’il prend sa décision. Les « constatations » du Comité sont transmises à l’État mis en cause et au particulier. Elles n’ont pas force obligatoire.

Le Comité contre la torture tient deux sessions ordinaires par an à Genève et remet un rapport annuel d’activités à l’Assemblée générale de l’ONU et aux États parties à la Convention de 1984.

Liste des 59 pays qui ont accepté la compétence du Comité au titre des deux articles 21 et 22 (communications étatiques et communications individuelles) : Afrique du Sud, Algérie, Andorre, Allemagne, Argentine, Australie, Autriche, Belgique, Bolivie, Bulgarie, Cameroun, Canada, Chili, Chypre, Costa Rica, Croatie, Danemark, Équateur, Espagne, Finlande, France, Géorgie, Ghana, Grèce, Guinée-Bissau, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Kazakhstan, Liechtenstein, Luxembourg, Malte, Monaco, Monténégro, Norvège, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Pays-Bas, Pérou, Pologne, Portugal, République tchèque, République de Corée, République de Moldavie, Russie, Saint-Marin, Sénégal, Slovaquie, Slovénie, Serbie, Suède, Suisse, Togo, Tunisie, Turquie, Ukraine, Uruguay, Venezuela.

Le Royaume-Uni et les États-Unis, le Japon, et l’Ouganda ont seulement accepté la compétence du Comité au titre de l’article 21. L’Azerbaïdjan, le Burundi, le Brésil, la Bosnie-Herzégovine, le Guatemala, le Maroc, le Mexique et les Seychelles ont accepté sa compétence au titre de l’article 22 uniquement.

Visites des lieux de détention

Un Protocole facultatif à la Convention contre la torture, adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 18 décembre 2002, prévoit la mise en place d’un système de visites régulières des lieux où des personnes sont privées de liberté, afin de prévenir la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants. Ces inspections seront effectuées par un « sous-comité pour la prévention de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » et par un ou plusieurs organes nationaux indépendants (art. 1, 2 et 3 du protocole). Ce dispositif international et national est entré en vigueur en 2006, soit un mois après la vingtième ratification ou adhésion. En juin 2015, 78 États avaient ratifié ce protocole.

Le sous-comité est composé de 25 membres indépendants siégeant à titre individuel, élus pour quatre ans renouvelables par les États parties au protocole, sur la base des critères habituels de l’ONU : haute moralité, expérience professionnelle reconnue, répartition géographique équitable, représentation des divers systèmes juridiques des États parties… Le sous-comité se réunit toujours à huis clos, autant de fois que nécessaire, et tient une session au moins une fois par an, simultanément avec le Comité contre la torture.

Quant au mécanisme national de prévention, le protocole ne précise pas le nombre de ses membres, ni le calendrier de ses réunions, mais il fixe des garanties d’indépendance, de professionnalisme et de représentation équitable des groupes ethniques et minoritaires du pays. Ces mécanismes nationaux peuvent entretenir des contacts directs et confidentiels avec le sous-comité et bénéficier de ses conseils, de son assistance et de sa formation.

Chaque État partie au protocole s’engage à autoriser le sous-comité contre la torture et le ou les organes nationaux à effectuer des visites dans « tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle où se trouvent ou pourraient se trouver des personnes privées de liberté sur l’ordre d’une autorité publique ou à son instigation ou avec son consentement » (art. 4). Pour permettre l’application concrète de ce mandat, le protocole liste une série d’obligations précises à la charge des États parties (art. 12, 14 et 20). Ces derniers doivent notamment permettre au sous-comité et aux organes nationaux de prévention contre la torture d’accéder sur leur territoire, de leur donner accès à tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, de s’entretenir en privé avec elles, de communiquer tous les renseignements nécessaires à leur mandat, de choisir les lieux visités et les personnes rencontrées. Toutefois, les États ont la possibilité d’ajourner l’exécution de leurs obligations, au choix, soit à l’égard du sous-comité, soit à l’égard du dispositif national, pour une période maximum de trois ans, renouvelable sous certaines conditions pour deux ans. Ils peuvent également refuser au sous-comité contre la torture la visite d’un lieu de détention « pour des raisons pressantes et impérieuses liées à la défense nationale, à la sécurité publique, à des catastrophes naturelles ou à des troubles graves là où la visite doit avoir lieu ». Ces arguments ne sont toutefois pas opposables à l’organe national de prévention de la torture.

Les recommandations et observations du sous-comité et des mécanismes nationaux de prévention sont transmises aux États à titre confidentiel. Par ailleurs, les rapports du sous-comité ne peuvent être publiés que dans quatre situations : à la demande de l’État concerné, si celui-ci en rend publique une partie, s’il refuse de coopérer avec le sous-comité ou de prendre des mesures pour améliorer la situation. Dans ces deux derniers cas, c’est le Comité contre la torture qui prend la décision et il peut également choisir de faire une déclaration publique. En revanche, les États parties au protocole doivent publier et diffuser les rapports annuels des mécanismes nationaux de prévention.

Le système de visites prévu par le Protocole facultatif à la Convention contre la torture s’applique en situation de paix, de troubles et de tensions internes et de conflit. En temps de guerre, le CICR dispose également du droit d’inspecter tous les lieux où des personnes sont privées de liberté, conformément au droit international humanitaire.

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Contact

Comité contre la torture

Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme

52, rue Pâquis, 1202 Genève / Suisse.

Tél. : (00 41) 22 917 91 59.

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