Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Arme

Il existe une très grande variété d’armes qui peuvent être utilisées de nombreuses façons différentes. La légalité ou l’illégalité d’une arme spécifique peut être établie par certains traités internationaux. Le Droit international humanitaire (DIH) limite de choix des armes (I) Le DIH réglemente également les méthodes d’utilisation des armes (II). Certains types d’armes font l’objet de règlementation spécifiques (III). Le commerce international des armes conventionnelles classiques est également réglementé au niveau international. (IV).

Le droit international humanitaire réglemente l’utilisation des armes de deux manières :

  1. Le DIH réglemente les armes elles-mêmes, en interdisant certaines armes per se : non seulement leur utilisation est strictement interdite, mais aussi leur production, transfert et stockage.
  2. Le DIH réglemente également l’utilisation des armes. Par exemple, toute utilisation qui est indiscriminée ou disproportionnée est interdite.

Pour les armes nouvelles, les États doivent examiner si ces armes sont compatible avec les principes du DIH, en consultation avec le CICR.

I. Le droit humanitaire limite le choix des armes

En général, le DIH interdit toute arme “de nature à causer des blessures superflues ou des souffrances inutiles” et toute arme susceptible d’avoir des effets indiscriminés ou excessivement blessants. C’est un principe ancien, lié à l’axiome selon lequel “le droit des parties au conflit de choisir des méthodes ou des moyens de guerre n’est pas illimité” (API, art. 35).

Le DIH peut donc interdire l’utilisation, la production, le stockage ou la vente de certains types d’armes. C’est le cas des armes biologiques et chimiques, par exemple, et dans une certaine mesure des mines terrestres. Depuis 1977 (lors de l’adoption du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève de 1949), le DIH a également codifié qu’il est interdit d’employer des méthodes ou des moyens de guerre qui sont destinés, ou peuvent être attendus, à causer des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel (API, art. 35).

Pour la plupart, les règles régissant l’utilisation de telles armes sont énoncées dans des conventions internationales spécifiques qui traitent de ces questions spécifiquement et ne s’appliquent donc qu’aux États parties à ces conventions. Les principales exceptions sont les Conventions de Genève et les Protocoles additionnels, qui sont largement ratifiés par les États et constituent le droit international coutumier, et qui vont loin pour réguler les moyens et méthodes de guerre.

Méthodes (et moyens) de guerreDroit international humanitaire .

De plus, dans l’étude, le développement, l’acquisition ou l’adoption d’une nouvelle arme, les États ont l’obligation de déterminer si l’utilisation de cette arme serait interdite par le DIH, dans certaines ou toutes les circonstances (API, art. 36). Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) joue un rôle consultatif à cet égard.

II. Le droit humanitaire limite les manières d’utiliser les armes

Les quatre Conventions de Genève de 1949 et leurs deux Protocoles additionnels de 1977 établissent les restrictions sur l’utilisation des armes. Aujourd’hui, ces règles sont obligatoires pour tous les États. Certaines des règles principales sont les suivantes :

  • Les parties au conflit doivent distinguer entre les objets civils et militaires. Les armes qu’elles utilisent doivent toujours leur permettre de respecter cette distinction. • Les armes ne doivent pas être utilisées de manière non justifiée par une exigence militaire authentique ou disproportionnée par rapport à l’avantage militaire recherché ou à la menace militaire supposée. Le but de ces dispositions est de limiter les dommages ou souffrances superflus, gratuits ou inutiles.
  • Pendant les attaques, les parties au conflit (en particulier leurs commandants) ont l’obligation de prendre certaines précautions pour limiter les effets possibles des armes sur les civils et les objets civils.

AttaqueDevoirs des commandantsMéthodes (et moyens) de guerre

Le droit international humanitaire coutumier (DIHC) réglemente également l’utilisation des armes. La règle 70 du DIHC publiée par le CICR en 2005 stipule que “l’utilisation de moyens et de méthodes de guerre de nature à causer des blessures superflues ou des souffrances inutiles est interdite”; tandis que la règle 71 stipule que “l’utilisation d’armes qui sont de nature indiscriminée est interdite”. Ces deux règles sont applicables dans les conflits armés internationaux et non internationaux.

Un autre instrument important dans la restriction générale de l’utilisation des armes a été l’adoption de la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou frappant sans discrimination (connue sous le nom de Convention sur certaines armes classiques), à Genève le 10 octobre 1980 (ratifiée par 127 États parties en juillet 2024), et de ses Protocoles additionnels sur : (I) les fragments non détectables (ratifié par 120 États parties en juillet 2024); (II) interdisant les mines, pièges et autres dispositifs (ratifié par 106 États parties en juillet 2024); (III) interdisant les armes incendiaires (ratifié par 116 États parties en juillet 2024); (IV) les armes laser aveuglantes, adoptées à Vienne le 13 octobre 1995 (ratifié par 110 États parties en juillet 2024), et (V) les restes explosifs de guerre (ratifié par 98 États parties en juillet 2024).

III. Les différentes catégories d’armes réglementées

Il existe différents types d’armes et de nouvelles armes sont régulièrement développées. Certaines armes sont autorisées, sauf pour certains usages (armes blanches et armes à feu), tandis que d’autres sont largement réglementées voire interdites en tant qu’armes de destruction massive (mines, armes incendiaires, biologiques et chimiques, nucléaire). Les systèmes d’armes autonomes ainsi que les cyberarmes posent des défis particuliers à l’application du DIH concernant le contrôle humain et la responsabilité des commandants. La règle générale interdisant les attaques contre les civils s’applique à l’utilisation de toutes les armes.

1. Armes blanches

Les armes blanches sont toutes les lames ou autres armes offensives ou coupantes en métal ou en acier, telles que les couteaux, épées, machettes, poignards ou baïonnettes. Leur utilisation est restreinte par les règles générales du DIH, qui interdisent d’attaquer les non-combattants, de tuer ou de blesser traîtreusement et de causer des blessures superflues ou des souffrances inutiles (art. 23 de la Convention de La Haye IV; API, arts. 35–37).

2. Armes à feu

Il s’agit d’une catégorie très large d’armes, incluant toutes les armes qui tirent des cartouches ou des projectiles explosifs, telles que les fusils, canons, bombes, missiles, munitions à sous-munitions, etc. Seules certaines de ces armes sont interdites :

  • Projectiles explosifs pesant moins de quatre cents grammes (quatorze onces), comme établi par la Déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868 renonçant à l’usage, en temps de guerre, de certains projectiles explosifs ;
  • Balles qui s’épanouissent ou s’aplatissent facilement dans le corps humain, comme énoncé dans les Déclarations de paix de La Haye de 1899 ;
  • Toute arme dont l’effet principal est de blesser par des fragments non détectables par radiographie une fois dans le corps humain, comme établi par le Protocole I à la Convention de 1980 sur les armes classiques (Protocole sur les fragments non détectables); et
  • Munitions à sous-munitions, comme établi par la Convention sur les munitions à sous-munitions adoptée à Dublin le 30 mai 2008 et entrée en vigueur en août 2010, qui interdit toute utilisation, stockage, production et transfert de munitions à sous-munitions. En juillet 2024, 124 États ont rejoint la Convention : 112 l’ont ratifiée et 12 sont signataires. Afin de surveiller l’application de la Convention, les États parties se réunissent régulièrement pour prendre des décisions concernant l’application ou la mise en œuvre de la Convention, y compris le fonctionnement et le statut de la Convention. La première Assemblée des États parties s’est tenue à Vientiane, au Laos, du 9 au 12 septembre 2010. La deuxième Assemblée s’est tenue à Beyrouth, au Liban, du 12 au 16 septembre 2011. La première Conférence de révision de la Convention, requise pour avoir lieu cinq ans après l’entrée en vigueur de la Convention en vertu de l’article 12, a eu lieu du 7 au 11 septembre 2015 à Dubrovnik (Croatie). L’objectif de cette Conférence de révision était, entre autres, de revoir le fonctionnement et le statut de la Convention. La deuxième Conférence de révision s’est tenue à Genève du 25 au 27 novembre 2020 et sous format virtuel les 20 et 21 septembre 2021.

Le 30 avril 2010, la Convention de l’Afrique centrale pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions, pièces et composants qui peuvent être utilisés pour leur fabrication, réparation et assemblage, connue sous le nom de “traité sur les armes légères” ou Convention de Kinshasa, a été signée à Kinshasa, en République démocratique du Congo, lors de la 35e réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale. Les onze signataires sont l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, lors de la 35ème réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale. Les onze signataires sont l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, lors de la 35ème réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale. Les onze signataires sont l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo, le Rwanda, Sao Tomé-et-Principe. La Convention est entrée en vigueur le 8 mars 2017. En juillet 2024, elle a été ratifiée par huit pays : l’Angola, le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, la République Démocratique du Congo, la Guinée équatoriale, le Gabon, Sao Tomé-et-Principe. L’objectif de cette Convention est de prévenir, combattre et éradiquer le commerce et le trafic illicites d’armes légères et de petit calibre (ALPC), afin de combattre la violence armée et de faciliter la traite humaine causée en Afrique par le commerce illicite des ALPC (art. 1(1) et (3)).

Les obligations incombant aux États parties sont, entre autres, d’interdire tout transfert d’ALPC à des groupes armés non étatiques (art. 4); de désigner un organe national responsable du traitement des questions relatives à la délivrance des autorisations de transfert tant aux institutions publiques qu’aux acteurs privés qualifiés (art. 5); d’élaborer un certificat d’utilisateur final qui sera délivré pour chaque envoi d’importation (art. 6); d’interdire et de pénaliser la possession, le port, l’utilisation et le commerce d’ALPC par des civils sur leurs territoires respectifs (art. 7); et de mener des inspections semestrielles pour évaluer et inventorier les stocks d’ALPC en possession des groupes armés et autres groupes de sécurité autorisés, et de collecter, saisir, enregistrer et détruire tout ALPC qui sont en surplus, obsolètes ou illicites (art. 15). Afin de surveiller l’application de la Convention, les États parties sont tenus de soutenir la création de l’organe responsable du suivi et de l’évaluation de la mise en œuvre des activités (art. 32).

Le droit international humanitaire coutumier (DIHC) interdit également l’utilisation de certains types d’armes à feu dans les conflits armés internationaux et non internationaux. La règle 77 de l’étude du DIHC stipule que “l’utilisation de balles qui s’aplatissent ou s’épanouissent facilement dans le corps humain est interdite”; la règle 78 prévoit que “l’utilisation à des fins anti-personnel de balles qui explosent dans le corps humain est interdite”; la règle 79 stipule que “l’utilisation d’armes dont l’effet principal est de blesser par des fragments qui ne sont pas détectables par radiographie dans le corps humain est interdite”; tandis que la règle 80 stipule que “l’utilisation de pièges qui sont en quelque sorte attachés ou associés à des objets ou des personnes bénéficiant d’une protection spéciale en vertu du droit international humanitaire ou à des objets susceptibles d’attirer des civils est interdite”.

3. Armes incendiaires

Ces armes entrent dans la catégorie des armes à feu. Leur objectif est d’incendier des objets ou de causer des brûlures aux êtres humains. Comme pour toutes les armes, il est illégal de les utiliser contre des individus et des objets protégés par le DIH (par exemple, les civils et les biens civils, y compris les forêts).

Il est également illégal d’utiliser des armes incendiaires contre des combattants et des objectifs militaires situés “au sein d’une concentration de civils”, conformément au Protocole III de la Convention de 1980 sur certaines armes classiques (Protocole sur les armes incendiaires).

La règle 84 de l’étude du DIHC stipule que “si des armes incendiaires sont utilisées, des précautions particulières doivent être prises pour éviter, et en tout état de cause minimiser, les pertes de vies civiles, les blessures aux civils et les dommages aux biens civils”, et la règle 85 stipule que “l’utilisation à des fins anti-personnel d’armes incendiaires est interdite, à moins qu’il ne soit pas possible d’utiliser une arme moins nocive pour mettre une personne hors de combat”. Ces deux règles sont applicables dans les conflits armés internationaux et non internationaux.

4. Armes de destruction massive

Cette dénomination comprend trois catégories d’armes : les armes bactériologiques ou biologiques(a), les armes chimiques(b) et les armes nucléaires (c).

Étant donné que les armes de destruction massive (ADM) sont de nature indiscriminée, leur utilisation est difficile à concilier avec l’esprit du DIH, qui repose sur la capacité militaire à distinguer entre les objets civils et les objectifs militaires et entre les civils et les membres des forces armées.

a. Armes bactériologiques (ou biologiques)

Les armes bactériologiques (communément appelées armes biologiques) sont celles qui visent à propager des maladies menaçant la santé des êtres humains, des animaux et des plantes. Le DIHC interdit l’utilisation d’armes biologiques dans les conflits armés internationaux et non internationaux (règle 73 de l’étude du DIHC). De plus, leur utilisation, production et stockage sont interdits par deux textes internationaux principaux :

  • Le Protocole pour la prohibition de l’emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques de guerre, adopté à Genève le 17 juin 1925 — cette convention comptait 146 États parties en juillet 2024;
  • La Convention sur la prohibition de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) et à toxines et sur leur destruction, mieux connue sous le nom de Convention sur les armes biologiques (CAB), ouverte à la signature le 10 avril 1972 — elle comptait 187 États parties en juillet 2024.

Le fait que cette Convention soit relativement récente et que ses interdictions soient très larges en a fait le point de référence en matière de régulation des armes biologiques.

Les principales interdictions sont énumérées dans son article 1, précisant que chaque État partie s’engage à “ne jamais, en aucune circonstance, développer, produire, stocker ou acquérir ou conserver des agents microbiens ou autres agents biologiques, ou des toxines […], ou des armes, équipements ou moyens de livraison conçus pour utiliser ces agents ou toxines.” La Convention n’offre pas de définition supplémentaire, ce qui est problématique car la signification de “armes, équipements ou moyens de livraison” est désormais un sujet de controverse entre les États.

La Convention sur les armes biologiques (CAB) est entrée en vigueur en 1975 ; elle fut le premier traité multilatéral de désarmement interdisant toute une catégorie d’armes de destruction massive. La Convention a été critiquée presque immédiatement, notamment parce qu’elle manquait de définitions claires de ces armes ainsi que d’un mécanisme de surveillance. Ce n’est qu’à la troisième Conférence d’examen, en 1991, que les États parties de la CAB ont décidé d’examiner les méthodes de vérification possibles. Cependant, cette idée a été abandonnée en 2001, lorsque les États-Unis ont rejeté un projet de protocole à la Convention qui aurait exigé que les États parties déclarent les installations pertinentes et les soumettent à des inspections. En 2006, lors de la sixième Conférence d’examen, les États parties ont adopté un consensus concernant la création d’une Unité de soutien à la mise en œuvre (ISU) pour aider les États parties à mettre en œuvre la Convention. L’ISU est financée par les États parties à la Convention et accomplit plusieurs tâches, telles que le soutien administratif et les mesures de confiance, et agit comme un centre d’échange pour l’assistance à la mise en œuvre nationale. Néanmoins, l’ISU a des capacités de surveillance limitées en raison de sa petite taille, de son financement limité et de son mandat étroit ne permettant pas de mener des inspections ou de faire respecter la conformité.

La septième Conférence d’examen de la CAB s’est tenue à Genève du 5 au 22 décembre 2011. Ce fut la première occasion pour les États parties d’examiner la mise en œuvre de la Convention depuis 2006. Selon le président de la Conférence de l’époque, l’ambassadeur Paul van den Ijssel des Pays-Bas, il est clair que la Convention sur les armes biologiques doit être renforcée par consensus. Cette Conférence d’examen a porté sur plusieurs questions, notamment : (a) les moyens d’améliorer la mise en œuvre nationale ; (b) les moyens de créer un cadre de responsabilité pour surveiller la conformité; (c) les moyens de mettre en place des mesures nationales, régionales et internationales pour améliorer la biosécurité et la bio sûreté ; (d) les moyens d’améliorer la confiance entre les États ; et (e) les moyens d’augmenter les capacités de l’ISU. La septième et la huitième Conférences d’examen ont également ajouté de nouvelles tâches pour l’ISU, notamment en termes de soutien administratif et d’assistance; de soutien et d’assistance pour la mise en œuvre nationale; de soutien et d’assistance pour les mesures de confiance; de soutien et d’assistance pour obtenir l’universalité; de gestion d’une base de données pour les demandes et offres d’assistance et de facilitation des échanges d’informations associés et de soutien aux efforts des États parties pour mettre en œuvre les décisions et recommandations de la conférence d’examen et la publication d’un rapport annuel. L’ISU est située dans le bureau de Genève du Bureau des affaires de désarmement des Nations Unies (UNODA). La neuvième Conférence d’examen s’est tenue en décembre 2022 dans un contexte tendu à la suite de la pandémie de COVID-19 et de l’invasion militaire russe de l’Ukraine, et n’a pas réussi à parvenir à un accord sur le texte d’une Déclaration finale. La dixième conférence d’examen est prévue pour 2027.

  • Unité de soutien à la mise en œuvre de la CAB : bwc@un.org

b. Armes chimiques

Les armes chimiques, dont la définition la plus claire est offerte dans la Convention de 1992 (discutée ci-dessous), provoquent la mort, une incapacité temporaire ou des dommages permanents aux humains ou aux animaux. Généralement, le terme se réfère aux munitions et dispositifs qui libèrent des produits chimiques toxiques. Diverses conventions interdisent l’utilisation, la production et le stockage d’armes chimiques, notamment :

  • Les déclarations de La Haye : Adoptées le 29 juillet 1899, les déclarations interdisent le lancement de projectiles visant à répandre des gaz asphyxiants ou toxiques.
  • Le Protocole de 1925 pour la prohibition de l’utilisation à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, et de moyens bactériologiques de guerre (discuté ci-dessus) : Cette Convention interdit l’utilisation d’armes chimiques et biologiques en temps de conflit armé international, mais n’interdit pas leur stockage ou production. De plus, elle autorise l’utilisation de ces armes en représailles contre les États qui utilisent ces armes en premier ou contre les États qui ne sont pas parties au Protocole. La Convention ne comprend aucun mécanisme d’application ou de vérification.
  • La Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction : Adoptée à Genève le 3 septembre 1992, cette Convention est entrée en vigueur le 29 avril 1997. En juillet 2024, elle compte 193 États parties. Cette Convention a créé l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC). Basée à La Haye, cet organe de surveillance est composé d’un secrétariat et d’équipes d’inspecteurs. Il analyse les rapports que les États parties sont tenus de lui soumettre concernant leurs activités liées aux agents chimiques ; il est également mandaté pour effectuer des inspections de routine ou inopinées des sites de production ; et pour surveiller les opérations de destruction des stocks existants.

OIAC

Johan de Wittlaan

32 NL-2517 AR

La Haye, Pays-Bas

Tél. : +31 70 416 33 00 Fax : +31 70 306 35 35 @ www.opcw.org

Le DIHC interdit également l’utilisation d’armes chimiques dans les conflits armés internationaux et non internationaux (Règle 74 de l’étude du DIHC). La Règle 75 stipule spécifiquement que “l’utilisation d’agents de contrôle des foules comme méthode de guerre est interdite”, et la Règle 76 indique que “l’utilisation d’herbicides comme méthode de guerre est interdite si : (a) ils sont de nature à être des armes chimiques interdites ; (b) ils sont de nature à être des armes biologiques interdites ; (c) ils sont destinés à la végétation qui n’est pas un objectif militaire ; (d) ils entraîneraient des pertes civiles accidentelles, des blessures aux civils, des dommages aux biens civils, ou une combinaison de ces effets, qui pourraient être considérés comme excessifs par rapport à l’avantage militaire concret et direct anticipé ; ou (e) ils entraîneraient des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel.”

c. Armes nucléaires

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), basée à Vienne, en Autriche, surveille l’utilisation de l’énergie nucléaire, y compris les armes. Il existe trois principales conventions internationales visant à contrôler les armes nucléaires et les matériaux nucléaires :

  • Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (connu sous le nom de Traité de non-prolifération nucléaire, ou TNP) : adopté sous l’égide des Nations Unies en 1968. Il est entré en vigueur le 5 mars 1970 pour une période initiale de 25 ans. Il a été prolongé indéfiniment en 1995. En juillet 2024, il comptait 191 États parties, y compris les cinq puissances nucléaires du Conseil de sécurité. Israël, l’Inde et le Pakistan ne l’ont pas encore ratifié. La Corée du Nord, initialement un État participant, s’est retirée du traité le 10 janvier 2003. Selon l’article III du TNP, l’AIEA est chargée de surveiller sa mise en œuvre. Le pouvoir de l’AIEA de surveiller l’utilisation de tous les matériaux nucléaires a été étendu par le Protocole additionnel du 22 septembre 1998.
  • Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) : adopté en 1996 lors de la Conférence de désarmement des Nations Unies. En 2023, il n’était pas encore entré en vigueur. Il doit être ratifié par 44 États capables de produire des armes nucléaires, y compris les États seuils, avant de pouvoir entrer en vigueur. En juillet 2014, 187 États l’avaient signé et 178 l’avaient ratifié (dont seulement 20 font partie des États capables de produire des armes nucléaires, et les États seuils ont déclaré qu’ils ne le ratifieraient pas). Ce traité complète un traité antérieur, le Traité de Moscou de 1963 (Traité d’interdiction des essais d’armes nucléaires dans l’atmosphère, dans l’espace extra-atmosphérique et sous l’eau), qui prévoyait une interdiction partielle des armes nucléaires.
  • Le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) : adopté le 7 juillet 2017 lors de la conférence des Nations Unies pour négocier un instrument juridiquement contraignant sur ce sujet. Il est entré en vigueur le 22 janvier 2021, 90 jours après avoir été ratifié par 50 États parties, comme prévu par son article 15. En juillet 2024, il comptait 70 États parties. Ce nouveau traité international interdit aux États de développer, tester, produire, fabriquer, transférer, posséder, stocker, utiliser ou menacer d’utiliser des armes nucléaires, ou de permettre que des armes nucléaires soient stationnées sur leur territoire. Il interdit également aux États de soutenir, encourager ou inciter quiconque à s’engager dans l’une de ces activités. Malgré le traité signé par la majorité des États, tous les pays détenteurs d’armes nucléaires, ainsi que nombre de leurs alliés, n’ont pas participé aux négociations et sont peu susceptibles de le signer ou de le ratifier.

Avant juillet 2017, il n’existait pas de convention internationale spécifique interdisant explicitement l’utilisation d’armes nucléaires. Néanmoins, la doctrine du droit international soutient que les armes nucléaires sont des armes de destruction massive ayant des effets indiscriminés. De ce point de vue, leur utilisation est interdite par les dispositions du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève qui interdisent explicitement les armes indiscriminées ou excessivement dommageables (voir la section I de cette entrée). Parmi les neuf États connus pour posséder des armes nucléaires ou des capacités nucléaires (Chine, France, Inde, Israël, Corée du Nord, Pakistan, Russie, Royaume-Uni et États-Unis), quatre n’ont pas ratifié le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève et huit n’ont pas ratifié le TIAN.

Le 8 juillet 1996, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif sur la légalité de la menace ou de l’utilisation d’armes nucléaires, à la demande de l’Assemblée générale des Nations Unies. La Cour a confirmé que cette utilisation doit être conforme à la Charte des Nations Unies restreignant l’utilisation de la force aux situations de légitime défense et au DIH applicable aux conflits armés. L’utilisation d’armes nucléaires doit respecter les règles du DIH relatives à la restriction des méthodes et moyens de guerre, notamment deux principes cardinaux : 1) L’État ne doit jamais faire des civils l’objet d’une attaque et ne doit donc jamais utiliser des armes incapables de distinguer entre civils et objectifs militaires ; 2) La souffrance inutile ne doit pas être causée aux combattants. La Cour a conclu que “compte tenu de l’état actuel du droit international et des éléments de fait à sa disposition, elle ne peut conclure de manière définitive si la menace ou l’utilisation d’armes nucléaires serait licite ou illicite dans une circonstance extrême de légitime défense, où la survie même d’un État serait en jeu” (paragraphes 74-87, 95 et 105).

AIEA Centre international de Vienne PO Box 100 A-1400 Vienne, Autriche Tél. : +43 12 60 00 Fax : +43 12 60 07 @ www.iaea.org

5. Mines

Pour des détails sur les mines, référez-vous à l’entrée sur ➔ Mines .

Le DIHC limite également l’utilisation des mines terrestres. La Règle 81 de l’étude du DIHC stipule que “lorsque des mines terrestres sont utilisées, des précautions particulières doivent être prises pour minimiser leurs effets indiscriminés”, tandis que la Règle 83 indique qu’”à la fin des hostilités actives, une partie au conflit qui a utilisé des mines terrestres doit les enlever ou les rendre autrement inoffensives pour les civils ou faciliter leur enlèvement.” Les Règles 81 et 83 sont applicables dans les conflits armés internationaux et non internationaux. La Règle 82 prévoit qu‘“une partie au conflit utilisant des mines terrestres doit enregistrer leur placement, dans la mesure du possible” et est traditionnellement applicable dans les conflits armés internationaux et, possiblement, dans les conflits non internationaux.

6. Systèmes d’armes autonomes, drones et véhicules aériens de combat sans pilote (UCAVS)

Le CICR définit les armes autonomes comme « tout système d’arme doté d’une autonomie dans ses fonctions essentielles. C’est-à-dire un système d’armes qui peut sélectionner et attaquer (c’est-à-dire appliquer la force) des cibles sans intervention humaine ». Les systèmes d’armes autonomes peuvent s’appliquer à différents moments/étapes du processus de ciblage, avec une certaine forme de contrôle humain résiduel appliqué à l’identification de la cible, à sa confirmation, à son acquisition et à son attaque. Toutefois, ils s’écartent du cadre du droit international humanitaire relatif au devoir du commandant et aux méthodes de guerre en créant une situation dans laquelle l’utilisateur ne connaît pas la cible spécifique, son emplacement et le moment de l’attaque (ou des attaques) qui s’ensuivra.

Une arme peut être programmée de manière à déclencher de façon autonome une attaque en réponse à son environnement, sur la base d’un profil de cible prédéfini. Dans d’autres types de technologies, une machine entreprend une certaine action sur la base des informations qu’elle a reçues d’une autre machine. De même, l’intelligence artificielle peut être utilisée pour aider à identifier les objectifs militaires et, par conséquent, pour influencer les choix de ciblage des commandants militaires. Un exemple est le programme SKYNET qui a utilisé l’analyse de données massives (big data) pour la reconnaissance de modèles dans les données de renseignement. À l’aide d’algorithmes d’apprentissage automatique, ce programme américain recherchait la multitude de données de communication générées par les millions d’utilisateurs de téléphones cellulaires au Pakistan afin de suivre les messages entre les membres d’Al-Qaïda et de localiser certains hauts responsables en vue d’un ciblage qui serait ensuite effectué à l’aide de drones.

Que les informations générées par les métadonnées soient utilisées pour aider un commandant à cibler un objectif militaire ou qu’une arme dépendant d’un algorithme soit directement capable d’entreprendre des attaques grâce à des techniques d’apprentissage en profondeur le jugement et la responsabilité humaine est structurellement marginalisé.. Il existe actuellement un risque important de confier des décisions de vie ou de mort aux algorithmes prédictifs liés à l’intelligence artificielle et d’affaiblir symétriquement la responsabilité des commandants militaires concernant l’identification positive de leurs cibles ainsi que la nécessité et de la proportionnalité de leur destruction.

Il existe aujourd’hui une controverse sur le statut juridique, au regard du droit international humanitaire, des drones et des véhicules aériens sans pilote. Le débat s’est d’abord concentré sur la guerre des drones appliquée à l’assassinat ciblé et à distance dans le cadre d’opérations antiterroristes telles que celles menées au Yémen, en Afghanistan ou dans le territoire palestinien. Il a ensuite atteint le niveau de l’engagement complet d’armes autonomes sur le champ de bataille. L’utilisation de drones dans le cadre d’un conflit armé a été démontrée en Libye en 2020, lors de la guerre entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au Nagorny Karabagh en 2021, et en 2022 lors de la guerre en Ukraine. Bien qu’il n’existe pas de traité ou de règle coutumière interdisant l’utilisation de technologies d’attaque autonomes, une telle pratique soulève deux questions principales, d’abord en ce qui concerne l’autonomie du logiciel dans une décision d’attaque, et ensuite en ce qui concerne la possibilité d’articuler cette décision autonome avec le devoir de distinction et de précaution qui s’impose à toutes les règles de ciblage (API, art. 36 et 51). L’obligation juridique qualitative d’évaluer le risque pour les civils et l’équilibre entre ce risque et l’avantage militaire attendu ne peut être laissée à la technologie autonome et nécessite une certaine forme d’implication humaine directe, même à distance. Un autre élément important réside dans la dimension extraterritoriale de ces attaques, qui ont généralement lieu loin du territoire national du pays concerné et sont aggravées par la confidentialité des agences qui utilisent souvent ces armes, en dehors du commandement militaire officiel.

L’assassinat ciblé du président tchétchène Djokhar Doudaïev par la Russie en 1996 a été l’un des premiers cas signalés d’utilisation d’un système d’armement automatisé. Toutefois, l’utilisation de drones par les États-Unis d’Amérique a donné lieu à de grands débats publics. Un cas particulièrement connu est celui de l’imam yéméno-américain Anwar al-Awlaki, tué par une frappe de drone en 2011. L’assassinat, effectué sans procédure légale et au Yémen, un pays avec lequel les États-Unis n’étaient pas en guerre, a été autorisé par le président de l’époque, Barack Obama. Deux semaines plus tard, M. Obama a autorisé une deuxième attaque de drone, qui a entraîné la mort du fils d’al-Awlaki, Abdulrahman, âgé de seize ans et également citoyen américain. Bien qu’Obama ait pris en 2016 le décret 13732 intitulé « Politique des États-Unis concernant les mesures prises avant et après les frappes pour remédier aux pertes civiles dans les opérations américaines impliquant le recours à la force », il a exigé des responsables du renseignement américain qu’ils publient le nombre de victimes civiles des frappes de drones en dehors des zones de guerre. Malheureusement, ce décret n’a pas été promulgué et, par conséquent, il a été facile pour le président Trump de revenir sur cette politique en mars 2019, qualifiant la règle de « superflue » et de distrayante. Un seul contrôle formel subsiste sur le secret entourant les assassinats par drone avec la loi de 2018 sur l’autorisation de la défense nationale (NDAA) qui exige que le Pentagone soumette des rapports annuels le 1er mai de chaque année sur les victimes civiles confirmées ou présumées causées par les opérations militaires des États-Unis. Les exigences en matière de rapports ont été renforcées dans le NDAA 2019 par le Congrès afin d’éliminer certaines des faiblesses exposées dans le rapport 2018. Par exemple, le traitement de toutes les frappes comme si elles avaient lieu sur le champ de bataille, alors que certaines ont été menées en dehors des zones de combat. Néanmoins, le programme d’assassinat ciblé a été intégré au statu quo de la politique étrangère des États-Unis, comme le montre l’assassinat, le 3 janvier 2020, du commandant militaire iranien M. Qassem Suleimani en Irak par une frappe aérienne d’un drone américain.

Aux alentours de mars 2020, un scénario qui relevait jusque-là de la science-fiction est devenu une réalité avec l’usage avéré de drones d’attaque autonomes éliminant des êtres humains sur un champ de bataille. Ce fut le cas pendant la deuxième guerre civile libyenne quand le gouvernement intérimaire libyen a attaqué les forces rivales des Forces affiliées à Haftar (HAF) avec des drones Kargu-2 (« Hawk 2 ») de fabrication turque. Selon un rapport des Nations unies, c’est la première fois que des drones tueurs et chasseurs autonomes ont pris pour cible des êtres humains lors d’un conflit.

Le rapport de l’ONU indique que des véhicules aériens de combat sans pilote, des munitions en attente et le Kargu-2 ont « traqué et engagé à distance » les convois logistiques de la HAF et les combattants qui battaient en retraite. Les drones autonomes ont été programmés pour attaquer des cibles « sans nécessiter de connexion de données entre l’opérateur et la munition », ce qui signifie qu’ils ont localisé et attaqué les forces des HAF indépendamment de tout pilote ou système de contrôle humain final de la frappe.

7. Les cyberarmes

Les cyber-armes apparaissent comme une nouvelle catégorie d’armes dans les conflits et les guerres. Ces cyber armes agissent avec des moyens numériques dans la sphère numérique. Elles peuvent paralyser ou endommager les systèmes d’information numériques mais elles peuvent aussi provoquer des destructions matérielles et humaines. La première cyber-attaque d’envergure rapportée publiquement et ayant entraîné des destructions matérielles a été l’attaque dite du « ver Stuxnet » en 2010. Ce virus informatique inédit et complexe a été introduit de façon malveillante dans le programme nucléaire iranien afin de prendre le contrôle d’un certain nombre de centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium et provoquer leur explosion. Des cyber-opérations massives ont aussi été signalées contre les infrastructures critiques d’un État en Estonie en 2007, ainsi qu’en Géorgie pendant la guerre avec la Fédération de Russie en 2008. Depuis, elles sont devenues monnaie courante.

En raison de la nouveauté du domaine, il n’existe pas de définition universellement acceptée d’une « cyber-arme » ni des « cyber-attaques ». Le Manuel de Tallinn sur le droit international applicable à la cyber-guerre (« Manuel de Tallinn ») publié en 2017 est le document qui fait le plus autorité en la matière. Il s’agit d’une étude universitaire non contraignante réalisée par 19 experts à la demande du Centre d’excellence de l’OTAN pour la cyberdéfense, basé à Tallinn et regroupant 38 pays. Le manuel se concentre principalement sur la manière dont le droit international, y compris le droit international humanitaire, s’applique à la cyber-guerre. Le Manuel de Tallinn 2.0, publié en 2017, définit les cyberarmes dans le commentaire de la règle 103 comme des « cyber moyens de guerre [y compris tout cyber dispositif, matériel, instrument, mécanisme, équipement ou logiciel] qui sont utilisés, conçus ou destinés à être utilisés pour causer des blessures ou la mort de personnes, ou des dommages ou la destruction de biens, c’est-à-dire qui entraînent les conséquences requises pour qu’une cyber-opération soit qualifiée d’attaque ». Dans ses 97 règles, il traite des cyber-opérations les plus graves, celles qui violent l’interdiction du recours à la force et permettent aux États d’exercer leur droit de légitime défense, ou celles qui se produisent lors d’un conflit armé.

Ces dernières années, un nombre croissant de cyberattaques importantes ont été rendues publiques. Certaines d’entre elles ont été dirigées contre - ou ont affecté - des réseaux d’électricité et d’eau, des services de santé, des banques, de grandes entreprises logistiques, des industries, des organismes gouvernementaux et des administrations, ainsi qu’une ancienne centrale nucléaire. Certaines d’entre elles ont eu lieu dans des pays impliqués dans des conflits armés et d’autres dans des pays en paix. Il est nécessaire de distinguer les cyber-opérations liées à des activités et groupes criminels, qui doivent être traitées dans le cadre des lois et procédures relatives à la cybersécurité, des cyber-attaques qui relèvent du recours à la force contre la sûreté de l’État et du droit des conflits armés. Entre la criminalité privée et le recours à la force contre l’État, il existe une autre gamme d’opérations cybernétiques visant à influencer l’opinion publique étrangère et à interférer dans les processus électoraux à l’étranger. L’attribution des cyber-attaques à un gouvernement étranger donné est techniquement complexe car elles sont menées sous le couvert d’organismes non étatiques qui peuvent être situés en dehors de leur territoire national. Bien qu’elles ne fassent pas de victimes directes, elles ont coûté des milliards et ont mis en évidence la vulnérabilité des infrastructures civiles essentielles et leur impact considérable des cyberattaques sur la vie de la population, y compris sur ses données personnelles et publiques.

L’accord le plus important concernant la cybercriminalité entre les États à ce jour est la Convention de Budapest de 2001 du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité, qui comptera 75 États parties en juillet 2024. Les États parties à la convention se sont engagés à adopter des mesures législatives pour ériger en infractions pénales des actes allant de l’interception et de l’interférence illégales de données à la falsification informatique, en passant par la pornographie enfantine, les questions de droits d’auteur, etc. La convention établit également un cadre pour la coopération internationale entre les États parties. Alors que de nombreux États membres encouragent la ratification de la convention de Budapest, la Russie s’y oppose fermement et, avec la Chine et ses alliés, plaide en faveur de la négociation d’une nouvelle convention universelle au sein des Nations unies. Une résolution controversée en ce sens a été adoptée en novembre 2019 à l’Assemblée générale de l’ONU dans le but d’établir un groupe chargé d’examiner la cybercriminalité et de mettre en place une convention pour la prévenir (A/RES/74/247, 27 décembre 2019). Cependant, de nombreux États s’y sont opposés en déclarant que, dans sa forme actuelle, ce traité vise à créer un droit international qui permettrait aux pays de coopérer plus facilement pour réprimer la dissidence politique au lieu d’être dirigé contre les pirates informatiques, etc.

La question de savoir si les règles du droit international humanitaire régissant les armes s’appliquent aux cyberarmes a fait l’objet d’un débat. Il existe un consensus sur le fait que le droit international humanitaire s’applique à tout recours à la force, quelle que soit la nature de l’arme. Par conséquent, le droit international humanitaire s’applique également aux armes cybernétiques si elles sont utilisées en situation de conflit armé.

Le manuel de Tallinn souligne que les règles du droit international humanitaire s’appliquent aux armes qui sont « indiscriminées par nature ». Les cyberarmes, quant à elles, sont indiscriminées lorsqu’elles ne peuvent pas être « a) dirigées vers un objectif militaire spécifique, ou b) limitées dans leurs effets comme l’exige le droit des conflits armés ». Il souligne également que les données et les cyber-infrastructures civiles ne sont pas des cibles légitimes des cyber-armes. Le CICR a fait remarquer que, bien que les cyberarmes soient souvent très précises, elles se propagent assez facilement, en partie parce que le même cyberespace est partagé par des acteurs militaires et civils. Les effets de deuxième et de troisième ordre doivent donc être pris en compte lors de la détermination juridique du statut d’une arme cybernétique.

En ce qui concerne les pirates informatiques (personnes qui accèdent sans autorisation à des ordinateurs, souvent pour les manipuler à des fins particulières), le CICR a déclaré que la plupart des pirates informatiques sont engagés dans des opérations sans rapport avec un conflit armé et qu’ils restent donc des civils protégés par le droit international humanitaire. Toutefois, les pirates informatiques qui participent directement aux hostilités et utilisent leurs compétences pour soutenir l’une ou l’autre des parties à un conflit armé perdent leur protection juridique contre les attaques directes.

IV. Le traité sur le commerce des armes

Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm, basé à Stockholm (Suède), le commerce international des armes a augmenté de 24 % entre 1994 et 1997. En 2019, la valeur totale du commerce mondial des armes était estimée à 200 milliards de dollars.

Entre 2015 et 2019, le marché des armes a été dominé par cinq exportateurs : Les États-Unis (36 %), la Fédération de Russie (21 %), la France (7,9 %), l’Allemagne (5,8 %) et la Chine (5,5 %). Les principales régions acheteuses étaient l’Asie et l’Océanie (41 % des importations d’armes) et le Moyen-Orient (35 %). Les dépenses militaires et d’armement dans le monde ont diminué de façon continue entre 1987 et 1998, mais ont augmenté de façon constante depuis lors. Par exemple, le volume des transferts internationaux d’armes majeures entre 2015 et 2019 était supérieur de 5,5 % à celui de la période 2010-2014 et de 20 % à celui de la période 2005-2009, il y a dix ans.

Selon le rapport du Secrétaire général du Conseil de sécurité des Nations unies de décembre 2019, les conflits armés, le terrorisme et la criminalité sont alimentés par les armes légères et de petit calibre. Un milliard de ces armes sont en circulation dans le monde et, selon la conférence d’examen des armes légères organisée par les Nations unies en 2006, 25 % de leur commerce est illégal, souvent en violation d’embargos.

En 2003, après le succès de la campagne sur le traité d’interdiction des mines antipersonnel, Amnesty International et Oxfam International ont lancé la campagne « Contrôlez les armes », une alliance mondiale de la société civile qui fait campagne pour l’élaboration d’un accord international juridiquement contraignant sur le commerce des armes. En décembre 2006, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 61/89, dans laquelle 153 gouvernements ont reconnu que le contrôle des armes et le désarmement étaient essentiels au maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Ils ont donc décidé de commencer à travailler à l’élaboration d’un traité mondial sur le commerce des armes qui réglementerait l’importation, l’exportation et le transfert des armes conventionnelles. En janvier 2009, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté la résolution 63/240, qui a fixé un calendrier de réunions préparatoires pour la négociation et la rédaction du traité sur le commerce des armes. La résolution contenant le texte du traité a finalement été adoptée le 2 avril 2013 par 154 voix pour, trois contre (République populaire démocratique de Corée, Iran et Syrie) et 23 abstentions. Le traité est ouvert à la ratification depuis le 3 juin 2013 et est entré en vigueur le 24 décembre 2014, 90 jours après sa cinquantième ratification. En juillet 2024, le traité comptait 115 États parties.

Le traité sur le commerce des armes est un instrument qui règlemente le commerce international de toutes les armes conventionnelles classiques depuis les armes à feu légères jusqu’aux systèmes d’artillerie de gros calibre, de missiles et de lanceurs de missiles, de chars et d’avions de combat ainsi que de navires de guerre. Il établit des normes internationales communes et obligatoires pour l’importation, l’exportation et le transfert de ces armes conventionnelles. L’objectif du traité est de mettre en place un mécanisme international transparent concernant le commerce des armes pour prévenir et interdire le détournement d’armes conventionnelles et de munitions du marché légal vers le marché illicite, où elles peuvent être utilisées pour des actes terroristes, la criminalité organisée et d’autres activités criminelles. Les Etats parties s’engagent à instituer un régime de contrôle national et de communiquer leurs listes nationales de contrôle au Secrétariat du traité qui les partage avec les autres Etats membres (arts.4,5). Les Etats s’engagent à interdire tout transfert d’armes classiques si ces armes risquent de servir pour commettre un génocide, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre et violations graves des conventions de Genève de 1949 (art.6);°

AttaqueDroit international humanitaireMéthodes (et moyens) de guerreMinesGuerre

**Pour en savoir plus

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