Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Devoirs des commandants

Les États parties aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel I sont tenus de respecter et de faire respecter le droit humanitaire dans les situations de conflit armé (GI, GII, GIII, GIV art. 1 ; GPI art. 1 et 80.2). Ils sont également obligés de réprimer les violations de ce droit (GI art. 49 à 52 ; GII art. 50 à 53 ; GIII art. 129 à 132 ; GIV art. 146 à 149 ; GPI art. 86.1).

Pour assurer le respect de ces obligations, le droit humanitaire impose aux États une définition des forces armées qui permet, à travers l’organisation hiérarchique et la discipline interne, le contrôle des combattants.

Le principe d’autorité est toujours doublé d’un principe de responsabilité. Pour les situations de conflit armé international, le droit humanitaire affirme de façon précise les devoirs et responsabilités des commandants (GPI art. 87) :

  • les commandants doivent s’assurer que les membres des forces armées placés sous leur commandement connaissent leurs obligations aux termes des Conventions de Genève et du Protocole additionnel I ;
  • les commandants doivent empêcher les membres des forces armées placés sous leur commandement et les autres personnes sous leur autorité de commettre des infractions aux Conventions de Genève et au Protocole additionnel I. Au besoin, ils doivent les réprimer et les dénoncer aux autorités compétentes ;
  • tout commandant qui a appris que des subordonnés ou d’autres personnes sous son autorité vont commettre ou ont commis une infraction aux Conventions ou au Protocole I doit prendre les mesures qui sont nécessaires pour empêcher de telles violations et au besoin prendre les mesures disciplinaires ou pénales à l’encontre des auteurs des violations.

Le droit humanitaire organise également une chaîne de responsabilités qui permet de déterminer le niveau de culpabilité des combattants et des divers échelons du commandement militaire en cas de violation de ses règles.

ResponsabilitéCombattant .

D’autres dispositions du droit humanitaire mettent particulièrement en avant la responsabilité des commandants, y compris au niveau pénal.

  • Des précautions doivent être prises par ceux qui décident ou préparent une attaque pour épargner au maximum les objectifs civils (GPI art. 57).
  • La responsabilité pénale ou disciplinaire des supérieurs n’est pas écartée par le fait que la violation du droit humanitaire est commise par un subordonné, dans le cas où ce supérieur savait ou possédait des informations lui permettant de conclure, dans les circonstances du moment, que ce subordonné commettait ou allait commettre une telle infraction, et s’il n’a pas pris toutes les mesures pratiquement possibles en son pouvoir pour empêcher ou réprimer cette infraction (GPI art. 86.2).
  • Les commandants en chef ne peuvent pas invoquer le silence des Conventions de Genève pour justifier une totale liberté d’action. Dans des situations qui n’ont pas été explicitement prévues par les conventions ou quand les détails d’exécution n’ont pas été prévus par les textes, ils ont la responsabilité de combler le vide juridique et d’agir dans ces cas conformément aux principes généraux des conventions (GI art. 45 ; GII art. 46).

▸ Personnes et situations non couvertes.

Les dispositions concernant le devoir des commandants en situation de conflit armé interne ne sont pas aussi explicites. Cependant, le Protocole additionnel II pose que toutes les parties à un conflit sont tenues par l’obligation de respecter le droit humanitaire, et les groupes armés doivent être sous « la conduite d’un commandement responsable (capable) d’appliquer le présent Protocole » (GPII article 1.1). C’est pourquoi les dispositions relatives au devoir des commandants contenues dans le Protocole additionnel II peuvent toujours être interprétées en utilisant les règles prévues dans les conflits armés internationaux.

Certaines décisions des tribunaux pénaux internationaux ont précisé le contenu de ce devoir des commandants en établissant leur responsabilité pénale dans des actes et omissions commis par eux-mêmes ou par leurs subordonnés (voir à ce sujet la rubrique ▹ Responsabilité ).

L’étude sur les règles de droit international humanitaire coutumier publiée par le CICR en 2005 a confirmé le devoir des commandants dans les conflits armés internationaux et non internationaux. La règle 152 de cette étude prescrit que « les commandants et autres supérieurs hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre commis sur leurs ordres », tandis que la règle 153 dispose que « les commandants et autres supérieurs hiérarchiques sont pénalement responsables des crimes de guerre commis par leurs subordonnés s’ils savaient, ou avaient des raisons de savoir, que ces subordonnés s’apprêtaient à commettre ou commettaient ces crimes et s’ils n’ont pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en leur pouvoir pour en empêcher l’exécution ou, si ces crimes avaient déjà été commis, pour punir les responsables ». Ces règles sont applicables en période de conflits armé international et non-international.

Consulter aussi

Aubert M., La Question de l’ordre supérieur et la responsabilité des commandants dans le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I) du 8 juin 1977 , CICR, Genève, 1988, (tiré à part de la Revue internationale de la Croix-Rouge ).

Mulinen F.de , « Responsabilité du commandement », Manuel sur le droit de la guerre pour les forces armées , CICR, Genève, 1989, p. 63-81.

Article également référencé dans les 3 catégories suivantes :