Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Camp

Il est convenu de parler de camp pour qualifier des lieux de regroupement de personnes. La protection accordée aux personnes à l’intérieur de ces lieux diffère selon les règles de droit international qui leur sont applicables. Il faut distinguer les regroupements spontanés au forcés, dans des camps ouverts ou fermés.

Camps de réfugiés

Lors des afflux massifs de personnes en quête d’asile, des camps sont organisés sous la responsabilité du gouvernement du pays d’accueil, en collaboration avec le HCR. Ces camps doivent être situés à une distance raisonnable du lieu de conflit, c’est-à-dire des frontières d’origine (Convention de l’OUA de 1969 sur les réfugiés en Afrique, art. 2.6), et ne pas servir à mener des opérations militaires. C’est dans cette optique que plusieurs rapports du secrétaire général de l’ONU et résolutions du Conseil de sécurité, adoptées dans le cadre de la protection des civils dans les conflits armés (en particulier la résolution 1208 du 19 novembre 1998) mettent l’accent sur le respect du caractère civil et humanitaire des camps de réfugiés.

On parle de réfugiés pour désigner les personnes regroupées dans ces camps. Cependant ces individus n’ont pas un statut individuel de réfugié. En raison du grand nombre de personnes concernées et de l’urgence, le statut de réfugié au sens de la Convention de 1951 est rarement accordé au groupe dans son ensemble. Ils n’ont donc qu’un minimum de droits. Ces réfugiés bénéficient à l’intérieur de ces camps d’une assistance fournie par le pays hôte et la communauté internationale et coordonnée par le HCR. Ils restent placés sous la protection physique des autorités du pays hôte. Parfois, une carte de réfugié individuel est distribuée par le HCR. Dans la plupart des cas, ce document sert de papier d’identité aux réfugiés et ouvre le droit à l’assistance déjà évoquée et à une relative liberté de déplacement.

Le HCR s’assure que les réfugiés ne sont pas refoulés et peuvent avoir accès à titre individuel à une procédure de demande d’asile en cas de rapatriement auquel ils ne souhaitent pas prendre part, ou si le statut de réfugié leur est retiré collectivement dans une opération de rapatriement.

RéfugiéHaut-Commissariat aux réfugiés (HCR) .

Camps de personnes déplacées en période de paix

Même en temps de paix, en cas de catastrophes naturelles, par exemple, des individus peuvent être amenés à se déplacer à l’intérieur de leur propre pays. Ils sont parfois regroupés en camp et ils dépendent toujours de l’autorité de leur gouvernement et du droit national de leur pays. Ils peuvent bénéficier d’une assistance de la part de la communauté internationale, mais celle-ci s’exerce dans le cadre institutionnel et normatif national. Aucune agence internationale ne dispose d’un mandat international spécifique de protection des personnes déplacées. Aucune norme internationale ne prévoit de protection spécifique pour les personnes déplacées. Mais les normes internationales relatives aux droits de l’homme peuvent être invoquées dans ce cas.

Les déplacés ne peuvent bénéficier de la protection du HCR que s’il s’agit de rapatriés ( returnees ). Il s’agit de personnes qui s’étaient réfugiées à l’extérieur de leur pays et qui ont ensuite été rapatriées dans leur pays, sans toutefois regagner le lieu exact où elles habitaient. Cette protection dépendra toutefois de l’existence et du contenu d’un accord négocié entre le HCR et le pays d’origine à l’occasion de ce rapatriement.

Personnes déplacéesRapatriementDétentionBureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) .

Camps de personnes déplacées dans les situations de conflit

Les personnes déplacées peuvent bénéficier de la protection du droit international humanitaire si le pays connaît une situation de conflit.

Dans un tel contexte, les regroupements de population peuvent permettre de protéger la population mais ils risquent aussi d’aggraver son exposition aux risques du conflit.

Les camps autorisés par le droit des conflits

Le droit des conflits armés prévoit de façon limitative le droit de regrouper les populations dans de tels contextes. Deux types de camps sont prévus par le droit humanitaire :

  • Les camps de prisonniers : les combattants capturés sont des prisonniers de guerre. Ils sont regroupés dans des camps régis par la troisième Convention de Genève.

Prisonnier de guerre .

  • Les camps d’internés civils : dans les conflits armés internationaux, une partie au conflit peut interner des personnes civiles résidant sur son territoire et qui sont ressortissantes de la partie ennemie. Des ressortissants étrangers résidant sur le territoire d’une partie au conflit peuvent également demander un internement volontaire (GIV art. 41, 42, 43,79 à 141).

Internement .

Des lieux de rassemblement sont également prévus pour mettre des populations vulnérables à l’abri des combats : localités non défendues, zones et localités sanitaires, zones et localités sanitaires et de sécurité ou zones neutralisées.

Zones protégées .

Les divers types de situations

Divers types de camps et de regroupement ont vu et continuent de voir le jour :

  • camps de concentration,
  • camps de regroupement, ou d’internement,
  • camps de travail et de rééducation,
  • camps d’extermination.

Les belligérants justifient souvent la création de ces camps par le souci de libérer le terrain pour des actions militaires plus radicales, mais également pour extraire de la population civile des personnes dont les autorités doutent de la loyauté ou dont ils craignent l’utilisation économique ou militaire par l’adversaire.

De tels regroupements forcés de civils peuvent aussi être organisés afin de supprimer tout support de la société à un mouvement de guérilla. Ces rassemblements forcés sont interdits par le droit international humanitaire.

En pratique, quand de tels camps sont créés, les personnes sont souvent obligées de travailler pour assurer leur propre subsistance mais aussi pour soutenir la présence militaire et les opérations de sécurisation dans et autour des camps.

Le rassemblement de la population dans des camps peut, dans un premier temps, permettre de la protéger plus efficacement contre les effets d’un conflit. Mais il peut également rendre la population beaucoup plus vulnérable en la transformant en cible potentielle pour des activités militaires, ou, de façon passive, en diminuant son autonomie et donc ses capacités de subsistance et de survie.

Privée de toute autonomie et d’un cadre juridique précis, la population ne peut que subir la loi de la violence et de l’arbitraire qui peut toujours transformer un camp de concentration en camp d’extermination.

Les pratiques interdites par le droit des conflits armés

  • Les civils ne peuvent pas être déplacés de force pendant un conflit. Dans les guerres civiles, les déplacements forcés de population sont en principe interdits. Le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas où la sécurité des personnes civiles ou des raisons militaires impératives l’exigent. Le déplacement ne peut qu’être temporaire et strictement limité à la durée de l’opération militaire précise qui a justifié le déplacement. Si un tel déplacement doit être effectué, toutes les mesures possibles seront en outre prises pour que la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de logement, de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’alimentation (GPII art. 17).
  • Les moyens de subsistance doivent être assurés par les autorités qui provoquent le rassemblement de population. Dans les cas de conflit, cette obligation d’assurer le bien-être de la population internée ou regroupée incombe à l’autorité militaire. Cette obligation vise à éviter que les forces armées ne tirent un profit économique du regroupement de population. L’aide humanitaire internationale ne doit pas favoriser ces regroupements. Les tribunaux internationaux ont condamné les responsables des camps de détention.

Dans les autres situations, notamment les situations de réfugiés ou de catastrophes naturelles, un gouvernement peut toujours faire appel à l’assistance internationale pour l’aider à subvenir aux besoins des populations en détresse.

Cette assistance est en général fournie par les différentes organisations humanitaires compétentes sous la coordination d’une organisation internationale habilitée à négocier les conditions de cette assistance avec le gouvernement. Il peut s’agir du HCR, du PNUD, d’OCHA, etc.

Pour en savoir plus

Brauman R., « Les dilemmes de l’action humanitaire dans les camps de réfugié et les transferts de population » , in Moore J. éd., Des choix difficiles : les dilemmes moraux de l’action humanitaire Gallimard, Paris, 1998, p. 233-256.

Favez J. C., Une mission impossible ? Le CICR, les déportations et les camps de concentration nazis , Payot, Lausanne, 1988, 422 p.

Lévi P., Les Naufragés et les Rescapés. Quarante ans après Auschwitz , Gallimard, Paris, 1989.

Terry F., Condemn to Repeat ? The Paradox of Humanitarian Action, Cornell University Press, Londres, 2002, 261 p.

Todorov T., Face à l’extrême, Seuil, Paris, 1994.

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