Personnes déplacées
Les conflits et les situations de tensions politiques ou économiques occasionnent fréquemment des mouvements de population fuyant les persécutions ou la violence. Mais le droit applicable aux individus varie selon qu’ils ont ou non traversé une frontière internationale. S’ils ont traversé une frontière internationale, ils sont considérés comme des réfugiés et sont couverts par le droit des réfugiés. S’ils ne franchissent pas une frontière internationale, ils sont qualifiés de déplacés internes ou de personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. Si l’existence d’une situation de conflit est reconnue dans leur pays, ils peuvent bénéficier du statut international de protection prévu par le droit humanitaire pour les civils victimes de conflit. Si l’existence d’un conflit n’a pas été reconnue, ils peuvent bénéficier d’une assistance internationale mais ils ne bénéficient pas d’un véritable statut international de protection.
En 2011, le Centre de surveillance des déplacements internes (IDMC) enregistrait un total de 26,4 millions de personnes déplacées internes, un nombre presque trois fois supérieur à celui des réfugiés pour 2011 (10,4 millions). Leur situation se révèle être un défi immense non seulement en termes d’assistance, mais aussi de protection parce que ces dernières restent sous la responsabilité juridique de leur État, sans statut international de protection (hormis celui de victime de conflit, si une telle situation est reconnue).
- Si des individus franchissent une frontière internationale pour fuir la guerre ou des persécutions politiques, il s’agit de réfugiés ou de migrants. Ils bénéficient alors d’une protection internationale en vertu du droit international des réfugiés et des lois nationales sur l’immigration.
- S’ils ne franchissent pas de frontière internationale, ce sont des personnes déplacées. Les déplacés internes ne constituent pas une catégorie juridique particulière et ils ne bénéficient donc pas d’une protection spécifique du droit international. En principe, ils sont toujours protégés par leur droit national, mais c’est souvent cet État qui est à l’origine de leur déplacement.
En période de paix, ils restent sous la protection de leur loi nationale et des conventions sur les droits de l’homme ;
En période de conflit, ils sont protégés par le droit humanitaire au titre de personnes civiles.
La tendance des États est d’éviter autant que possible les franchissements massifs de frontières par des individus fuyant les conflits ou d’autres situations. Le grand exode des Kurdes irakiens vers la Turquie en 1991 avait été qualifié d’atteinte à la paix et à la sécurité régionales par le Conseil de sécurité des Nations unies. La mêmechose s’est produite dans l’ex-Yougoslavie en 1993 et au Rwanda en 1994. C’est le plus souvent à l’intérieur de leurs frontières que les individus se déplacent pour fuir les conséquences d’un conflit ou de tensions. La non-reconnaissance officielle d’une situation de conflit est également une tendance diplomatique qui risque de priver les personnes affectées par celui-ci du statut international de protection prévu par le droit humanitaire.
En temps de paix
- En période de paix, de troubles ou tensions internes, ou si la situation de conflit n’est pas reconnue par les autorités concernées, les individus restent en pratique sous la seule protection de leurs lois nationales et des conventions relatives aux droits de l’homme.
Les conventions internationales relatives aux droits de l’homme ne constituent pourtant pas un cadre juridique suffisant pour assurer la protection de ces personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays. En effet :
- à l’exception des garanties fondamentales, l’application de certains droits de l’homme peut être suspendue par les États dans les situations de troubles intérieurs ;
- le droit de fuir la persécution, collective ou individuelle, ou le danger reste un droit fondamental devant être respecté en tout temps. Fermer les frontières et refouler les demandeurs d’asile constitue une violation des garanties fondamentales des droits de l’homme. Développer des programmes d’assistance pour les déplacés ne saurait être considéré comme un substitut légitime au droit fondamental de fuir la persécution.
- les droits de l’homme ne prévoient aucune mesure concrète de secours au profit de ces personnes, ni de droits pour les organisations et le personnel humanitaires ;
- la question de l’assistance et de la protection dans le cadre d’un emploi de la force à grande échelle ou de limitations gouvernementales des droits pour des raisons de sûreté et de sécurité n’est que peu couverte par les dispositions réglementaires des droits de l’homme ;
- tout ce qui relève de l’usage substantiel de la force (les méthodes de guerre) échappe à la réglementation des droits de l’homme ;
- les règles des droits de l’homme ne s’imposent qu’aux États alors que le droit humanitaire s’impose à tous les belligérants, quels que soient leur statut ou nature ;
- les mécanismes de contrôle font souvent défaut dans le domaine des droits de l’homme. Quand ils existent, ils visent plus souvent à constater une violation qu’à la prévenir.
Néanmoins, en toutes situations, dont celles ne pouvant pas être qualifiées de conflit armé, les personnes déplacées sont au minimum protégées par les garanties fondamentales énoncées par le droit humanitaire et par les droits de l’homme indérogeables. Ces droits ont été regroupés, harmonisés et complétés dans la rédaction des Principes directeurs sur les personnes déplacées.
▸ Personnes protégées ▹ Population civile ▹ Garanties fondamentales ▹ Droits de l’homme ▹ Réfugié ▹ Refoulement (expulsion)
En période de conflit
Si les personnes déplacées sont victimes d’une situation de conflit, elles peuvent bénéficier de la protection du droit humanitaire et des droits de l’homme indérogeables en vertu de leur statut de personne civile.
▸ Personnes protégées ▹ Population civile
Dans les situations de conflits internes et internationaux, le droit humanitaire prend acte du fait que les affrontements armés engendrent des mouvements de population importants. Le déplacement de communautés minoritaires peut aussi devenir une politique délibérée et un objectif de guerre. C’est pourquoi le droit humanitaire édicte des règles spécifiques pour prendre en compte le sort des populations déplacées :
- il interdit les déplacements forcés de population ;
- il interdit les méthodes de guerre dont le but est de semer la terreur parmi la population civile ;
- il réglemente la conduite des hostilités pour éviter que le harcèlement militaire à l’encontre des populations civiles en général ou de certains groupes en particulier ne les conduise à l’exode ou à l’errance ;
- il autorise et organise l’approvisionnement des secours au profit de la population civile pour éviter qu’elle ne soit contrainte à l’exode du fait des privations des biens essentiels à sa survie.
- finalement, il énonce que, en tout temps et en tout lieu, les personnes déplacées doivent jouir des garanties fondamentales prévues par le droit humanitaire. Elles peuvent donc bénéficier des droits à l’assistance et à la protection en tant que victimes du conflit ou en tant que personnes privées de liberté si elles ne peuvent pas quitter le camp.
Ces règles qui découlent des Conventions de Genève sont appliquées par le CICR mais devraient être défendues par toutes les autres organisations. Le gouvernement concerné ne peut pas refuser la présence du CICR et ne devrait pas refuser celle des ONG humanitaires.
Consulter aussi
▸ Déplacement de population ▹ Secours ▹ Personnes protégées ▹ Zones protégées ▹ Camp ▹ Réfugié ▹ Droits de l’homme ▹ Droit international humanitaire ▹ Garanties fondamentales ▹ Assistance ▹ Protection ▹ Rapporteur spécial ▹ Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA)
Pour en savoir plus
Birkeland N., « Internal displacement : global trends in conflict-induced displacement », Revue internationale de la Croix-Rouge , vol. 91, n° 875, septembre 2009, p. 491-508.
« Convention sur la protection et l’assistance des personnes déplacées en Afrique (Convention de Kampala) », Ouganda, 23 octobre 2009.
Deng F., Rapport du représentant du secrétaire général, Compilation et analyse des normes juridiques applicables aux personnes déplacées , E/CN.4/1996/52/Add. 2.
HCR, Les Réfugiés dans le monde. Les personnes déplacées : l’urgence humanitaire , La Découverte, Paris, 1997.
Kälin W., « Protection juridique des déplacés internes. Protection selon le droit international des droits de l’homme », Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays , rapport du symposium de Genève du CICR, 23-25 octobre 1995, CICR, Genève, 1996, p. 15-27.
Lavoyer J.P., « Réfugiés et personnes déplacées. Droit international humanitaire et rôle du CICR », Revue internationale de la Croix-Rouge , n° 812, mars-avril 1995, p. 183-202.
Lavoyer J.P., « Protection juridique des déplacés internes. Protection en droit international humanitaire », Personnes déplacées à l’intérieur de leur pays, rapport du symposium de Genève du CICR, 23-25 octobre 1995, CICR, Genève, 1996, p. 28-39.
« Rapport soumis par le Représentant du Secrétaire général sur les droits de l’homme des personnes déplacées dans leur propre pays, M. Walter Kälin », A/HRC/13/21, 5 janvier 2010
United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs , « Principes directeurs relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays ».