Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Discrimination

La clé de voûte de tout système de protection des individus réside dans le principe de non-discrimination. Il existe deux façons de protéger les individus. Le premier consiste à édicter des droits et des garanties particuliers à leur égard. Le secondconsiste, au minimum, à surveiller que les personnes sont toutes traitées de façon identique. La non-discrimination constitue donc un outil essentiel de protection.

L’adoption par un gouvernement d’une législation créant une discrimination négative à l’encontre de certaines personnes ou groupes de personnes est souvent une première étape vers une mise à l’écart de ces personnes qui peut éventuellement conduire à des persécutions ou d’autres crimes, voire au génocide.

Il est important de distinguer entre les discriminations ou distinctions défavorables qui sont illégales et les formes positives de discrimination ayant pour but d’améliorer les conditions d’un groupe de personnes ou de compenser une inégalité plutôt que d’en oppresser d’autres. De tels actes ou législations apparaissent à la fois aux niveaux interne et international et ne sont pas illégaux. La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, par exemple, pose dans son article 4 que « l’adoption par les États parties de mesures temporaires spéciales visant à accélérer l’instauration d’une égalité de faits entre les hommes et les femmes n’est pas considérée comme un acte de discrimination tel qu’il est défini dans la présente Convention, mais ne doit en aucune façon avoir pour conséquence le maintien de normes illégales ou distinctives ».

En période de conflit

Le droit humanitaire interdit de procéder, dans le traitement des individus ou des populations des pays en conflit, à des distinctions de caractère défavorable fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ou critère analogue (GI, GII art. 3 et 12 ; GIII art. 3 et 16 ; GIV art. 3 et 13 ; GPI art. 9 ; GPII art. 2). Le statut de la Cour pénale internationale, adopté le 17 juillet 1998, ajoute expressément à cette liste : « l’âge, les origines ethniques » et reprend le critère du sexe en interdisant toute discrimination fondée sur l’appartenance à l’un ou l’autre sexe.

Selon cette clause de non-discrimination, les articles des Conventions et Protocoles détaillent, selon les situations, l’interdiction de procéder à des discriminations :

  • Les dispositions des Conventions ayant pour but d’atténuer les souffrances causées par la guerre aux civils doivent être appliquées de manière égale à tous les individus (GIV art. 13).
  • Dans les territoires occupés : l’approvisionnement des populations civiles doit se faire sans aucune distinction de caractère défavorable entre les individus (GPI art. 69), tout comme les actions de secours (GPI art. 70 ; GPII art. 18).
  • À l’égard des prisonniers de guerre : le droit humanitaire rappelle que le principe de non-discrimination doit leur être appliqué (GIII art. 16). Il prévoit à de nombreuses reprises qu’ils bénéficieront en outre du même traitement que celui qui est réservé par la puissance détentrice à ses propres troupes et à sa population civile, en ce qui concerne le logement (GIII art. 25), le transfert (GIII art. 46), les conditions de travail (GIII art. 51), les sanctions pénales et disciplinaires (GIII art. 82, 84, 88, 102 et 106).
  • Les internés ne pourront être condamnés qu’à des peines disciplinaires s’ils commettent des actes qui ne sont pas punissables quand ils sont commis par des personnes qui ne sont pas internées (GIV art. 117).
  • Les secours sanitaires doivent être menés sans discrimination, notamment les soins médicaux (GPI art. 10 et 11 ; GPII art. 7.2 et 9.2) et le ravitaillement de la population (GPI art. 69 et 70 ; GPII art. 18.2).

Il est toujours possible d’améliorer le régime général et d’accorder à une catégorie d’individus un traitement plus favorable justifié par son état ou sa vulnérabilité (enfants, femmes en couches, malades, etc.).

En temps de paix

La discrimination est également interdite. Elle contrevient à l’un des principes généraux des sociétés selon lequel tous les individus sont égaux devant la loi. La discrimination s’effectue selon divers critères. Plusieurs textes et conventions internationales interdisent cette pratique :

  • Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (rés. 2106 A [XX] du 21 décembre 1965) ;
  • Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid (rés. 3068 A [XXVIII] du 30 novembre 1973) ;
  • Convention concernant la discrimination dans le domaine de l’enseignement, adoptée sous l’égide de l’UNESCO, le 14 décembre 1960 ;
  • Convention sur l’égalité de rémunération, adoptée sous l’égide de l’Organisation internationale du travail, le 29 juin 1951 ;
  • Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes (rés. A 34/180 du 18 décembre 1979) ;
  • Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction (rés. A 36/55 du 25 novembre 1981).

Les recours individuels

  • Les discriminations sont interdites de façon générale par les conventions relatives aux droits de l’homme. Il est donc possible sous certaines conditions de lancer des recours devant les organes de contrôle appropriés.
  • Dans le cadre de la discrimination raciale ou de la discrimination contre les femmes, les recours peuvent être également adressés aux comités ad hoc prévus par ces deux conventions.

Droits de l’hommeRecours individuelsComité pour l’élimination de la discrimination racialeComité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes .

Contact

Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale

Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme

52, rue Pâquis, 1202 Genève / Suisse.

Tél. : (00 41) 22 917 91 59.

Pour en savoir plus

Schokkenbroek J., « Renforcement de la protection européenne contre la discrimination : le nouveau protocole n° 12 à la convention européenne des droits de l’homme », octobre 2001, Actualité et Droit international. Disponible sur [ http://www.ridi.org/adi ]

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