Évacuation
Ce terme désigne des transferts de population ou de personnes. Le droit humanitaire interdit les déplacements forcés de population dans les situations de conflit. Les évacuations militaires et les évacuations sanitaires sont autorisées par le droit à titre exceptionnel et dans des conditions strictes et précises.
Évacuations militaires
Certaines évacuations peuvent être imposées aux non-combattants par les forces armées.
Le principe
Le droit humanitaire affirme le principe selon lequel le déplacement de la population civile ne pourra pas être ordonné pour des raisons ayant trait au conflit (GIV art. 49 ; GPII art. 17). Le transfert (comme la terreur) utilisé pour forcer un déplacement de population ne peut être utilisé comme méthode de guerre. Ce principe s’applique tant aux conflits internationaux qu’aux conflits internes dans lesquels le contrôle du territoire et de la population peut inciter les belligérants à de telles pratiques (voir, par exemple, les pratiques de purification ethnique).
En outre, le droit humanitaire interdit, quel qu’en soit le motif, les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État, occupé ou non (GIV art. 49). Il interdit aussi le transfert par la puissance occupante d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé.
Les exceptions au principe
L’évacuation militaire reste possible dans des conditions strictement limitées. Ces conditions doivent être interprétées de façon restrictive, comme toute exception à un principe général. Les commentaires des protocoles expliquent que les évacuations de population ne peuvent pas être une stratégie de combat. Elles ne peuvent pas être adoptées uniquement en raison de leur efficacité pratique pour atteindre un objectif militaire. Le terme « raison militaire impérative » suppose qu’il ne doit exister aucune autre alternative militaire à cette évacuation.
Les conditions permettant une évacuation militaire sont les suivantes (GIV art. 49) :
- les évacuations restent possibles pour des raisons de sécurité de la population ou d’impérieuses raisons militaires ;
- ces évacuations sont temporaires. La population ainsi évacuée sera ramenée dans ses foyers aussitôt que les hostilités dans ce secteur auront pris fin ;
- ces évacuations ne pourront entraîner le déplacement de personnes protégées qu’à l’intérieur du territoire occupé, sauf en cas d’impossibilité matérielle ;
- ces évacuations doivent se faire en respectant l’intérêt des populations civiles. Elles ne devront pas être installées dans une région exposée aux dangers de la guerre. Elles devront être accueillies dans des installations convenables et transportées dans des conditions satisfaisantes de salubrité, d’hygiène, de sécurité et d’alimentation. Les membres d’une même famille ne seront pas séparés les uns des autres ;
- les évacuations devront être déclarées auprès de la puissance protectrice des populations ou de son substitut, le CICR.
Dans les conflits armés non internationaux, le terme « évacuation » n’est pas employé, mais les dispositions relatives à l’interdiction du déplacement forcé des populations sont toutefois libellées dans des termes voisins (GPII art. 17.1).
Évacuations sanitaires
Elles concernent les blessés, malades et naufragés auxquels doivent être prodigués les premiers soins. L’évacuation peut également concerner les enfants et les personnes vulnérables qui sont, dans certaines conditions, assimilés par le droit humanitaire à des malades ou blessés.
- Dans les zones assiégées ou encerclées, les parties au conflit doivent conclure des accords pour permettre l’évacuation des blessés, des malades, des infirmes, des vieillards, des enfants et des femmes en couches et pour le libre passage du personnel et du matériel sanitaire à destination de ces zones (GIV art. 17). L’évacuation a lieu le plus souvent vers les hôpitaux ou les structures médicales appropriées.
En l’absence d’accord écrit, le droit prévoit quand même, pour autant que les exigences militaires le permettent, que chaque partie au conflit favorisera les mesures prises pour rechercher les tués, les blessés et les malades, et les évacuer vers un lieu où ils pourront être soignés (GIV art. 16-17).
Toutes ces opérations, qui sont effectuées par le personnel sanitaire, les unités sanitaires et les transports sanitaires, doivent s’accomplir sous la protection de l’emblème de la Croix-Rouge (ou du Croissant-Rouge) et en respectant au moins les mêmes garanties que celles prévues pour les évacuations militaires (GIV art. 49).
▸ Services sanitaires ▹ Blessés et malades .
- Pour améliorer la protection des installations sanitaires vers lesquelles s’effectuent les évacuations, les parties au conflit peuvent créer, dès le début d’un conflit, des zones sanitaires et de sécurité (GIV art. 14) ou des zones neutralisées (GIV art. 15) dans lesquelles seraient regroupées les personnes vulnérables.
Les personnes vulnérables concernées par les zones et localités sanitaires sont les blessés et les malades, les infirmes, les personnes âgées, les enfants de moins de quinze ans, les femmes enceintes et les mères d’enfants de moins de sept ans. Ces dispositions reposent sur l’adoption d’accords spécifiques entre les autorités et les organismes de secours permettant d’organiser le ramassage et le transport des personnes en danger vers les zones sanitaires. Un accord type est annexé à la quatrième Convention de Genève.
Les évacuations médicales ont été reconnues dans l’étude sur les règles du droit international humanitaire coutumier publiée par le CICR en 2005. La règle 109 de cette étude dispose ainsi que « chaque fois que les circonstances le permettent, et notamment après un engagement, chaque partie au conflit doit prendre sans tarder toutes les mesures possibles pour rechercher, recueillir et évacuer les blessés, les malades et les naufragés, sans distinction de caractère défavorables ». Cette règle est applicable dans les conflits armés internationaux et non internationaux. Par ailleurs, ce devoir de recherche, de collecte et d’évacuation vaut également pour les morts (règle 112).
- Les organisations humanitaires jouent un rôle important dans les évacuations et ont une marge de manœuvre importante dans la proposition et la mise en place des zones sanitaires et de sécurité et des zones neutralisées. En particulier, elles doivent lister de façon nominative toutes les personnes évacuées, et affirmer que leur responsabilité médicale prévaut sur toute décision policière ou militaire, afin de protéger ces personnes pendant l’évacuation.
- Étant donné le risque qui pèse sur les personnes évacuées et regroupées dans les zones sanitaires, ces zones devront faire l’objet d’un accord écrit entre les parties au conflit (GIV art. 14 et 15) précisant les responsabilités en termes de respect et de protection de ces populations. Les précédents que constituent les massacres perpétrés dans les zones de sécurité créées sous l’égide de l’ONU doivent forcer chaque acteur à apprécier sa propre responsabilité.
- Les évacuations doivent s’effectuer en prenant soin de ne pas rendre le retour impossible et la réunification familiale difficile. Des garanties quant à l’identification des personnes doivent être prises. Elles sont particulièrement strictes quand il s’agit d’enfants.
▸ Zones protégées .
Évacuations sanitaires particulières
Évacuations d’enfants
Dans les conflits internes ou internationaux, des mesures doivent être prises, si nécessaire, chaque fois que ce sera possible, avec le consentement des parents ou des personnes qui en ont la garde […], pour évacuer temporairement les enfants du secteur où ont lieu des hostilités vers un secteur plus sûr du pays et les faire accompagner par des personnes responsables de leur sécurité et de leur bien-être (GPII art. 4.3.e ; GPI art. 78).
En cas de conflit international, l’évacuation des enfants vers un pays étranger est interdite, sauf dans le cas où une partie au conflit évacue des enfants qui sont ses propres ressortissants.
Dans ce cas, de nombreuses limitations sont fixées par le droit humanitaire pour les évacuations d’enfants. Ces limitations visent notamment à protéger l’intérêt de l’enfant, à faciliter le retour dans sa famille et à éviter le développement d’adoptions irrégulières ou d’autres pratiques (GPI art. 78).
L’autorité qui a procédé à l’évacuation des enfants ou celle du pays d’accueil devront établir une fiche pour chaque enfant et la transmettre à l’Agence centrale de recherches de la Croix-Rouge.
Cette fiche doit comporter, chaque fois que cela est possible et ne risque pas de porter préjudice à l’enfant, les renseignements suivants : nom ; prénom ; sexe ; lieu et date de naissance ; nom et prénom du père et de la mère ; proches parents de l’enfant ; nationalité ; langue maternelle de l’enfant ou autre langue qu’il parle ; adresse de sa famille ; tout numéro d’identification qui lui aurait été donné ; son état de santé, son groupe sanguin ; d’éventuels signes particuliers ; la date et le lieu où il a été trouvé ; la date et le lieu où l’enfant a quitté son pays ; éventuellement la religion de l’enfant ; l’adresse de l’enfant dans le pays d’accueil. Si l’enfant meurt avant son retour, la date, le lieu et les circonstances de sa mort et le lieu de sa sépulture (GPI art. 78).
Évacuations de combattants blessés
Le droit humanitaire ne permet pas de faire de discrimination entre les blessés civils et militaires. Ils bénéficient des mêmes droits à être recueillis, évacués et soignés.
Toutefois, les malades et blessés d’un belligérant, tombés au pouvoir de l’adversaire, seront considérés comme des prisonniers de guerre (GI art. 14). Ils bénéficient donc des droits que prévoit la troisième Convention de Genève. À ce titre, ils doivent être évacués de la zone de conflit vers un camp d’internement pour prisonniers de guerre situé hors des zones de danger (GIII art. 19). Leur évacuation doit se faire avec humanité dans des conditions semblables à celles qui sont faites aux troupes de la puissance détentrice dans leurs déplacements. Ils doivent notamment bénéficier d’eau potable, de nourriture et de vêtements, ainsi que des soins médicaux nécessaires (GIII art. 20). Les prisonniers de guerre souffrant de certaines maladies ou blessures ne devront pas être gardés en détention, ni être soignés sur le territoire de la puissance détentrice. Le droit prévoit qu’ils puissent être transférés dans des hôpitaux d’États neutres ou rapatriés directement dans leur propre pays. Les maladies concernées sont énumérées à l’article 110 de la troisième Convention et détaillées à la rubrique ▹ Prisonnier de guerre . Un accord type concernant le rapatriement direct et l’hospitalisation en pays neutre des prisonniers de guerre blessés ou malades constitue l’annexe I de la troisième Convention de Genève.
Consulter aussi
▸ Déportation ▹ Déplacement de population ▹ Enfant ▹ Zones protégées ▹ Prisonnier de guerre ▹ Blessés et malades ▹ Siège ▹ Blocus ▹ Purification ethnique .
Pour en savoir plus
Bugnion F., Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre , CICR, Genève, 1994, p. 555-568 et 867-874.