Dictionnaire pratique du droit humanitaire

« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

Personnel sanitaire

L’expression s’entend, dans les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels de 1977, des personnes exclusivement affectées, de manière permanente ou temporaire, à des tâches sanitaires telles que :

  • recherche, enlèvement, transport, diagnostic ou soins aux blessés, malades ou naufragés ;
  • prévention des maladies ;
  • administration et fonctionnement des unités sanitaires ou des moyens de transport sanitaire.
  • Le personnel sanitaire comprend le personnel sanitaire militaire et civil d’une partie au conflit, ainsi que celui des organismes de secours internationaux, ou celui affecté à des organismes de protection civile. Il s’agit également du personnel affecté aux unités sanitaires. C’est-à-dire les structures telles que les hôpitaux et autres unités similaires affectés à la recherche, l’évacuation, le transport, le diagnosticou le traitement, y compris les premiers secours des blessés et malades, ainsi que la prévention des maladies (GPI art. 8).

L’attaque délibérée dirigée contre le personnel sanitaire à l’occasion d’un conflit armé international ou non international constitue un crime de guerre au titre du statut de la Cour pénale internationale (Statut, art. 8.2.b.XXIV ; art. 8.2.e.II). Il constitue également une infraction grave aux Conventions de Genève s’il est commis lors d’un conflit armé international.

  • Le droit humanitaire prévoit une multitude de dispositions relatives au personnel sanitaire pour défendre le fonctionnement des services sanitaires en période de conflit :
  1. Il sera respecté et protégé en toutes circonstances (GI art. 24 ; GII art. 36 ; GIV art. 20 ; GPI art. 15 ; GPII art. 9).
  2. Il a droit de porter le signe distinctif de la Croix-Rouge et doit faire le nécessaire pour être identifié par les autorités (GI art. 40 et 41 ; GII art. 42 ; GIV art. 20 ; GPI art. 18 ; GPII art. 12).
  3. Il jouit de la même protection que la population civile (GIV art. 27 à 141) mais il bénéficie en plus de droits renforcés pour lui permettre d’accomplir sa mission malgré le conflit.
  4. Il recevra toute l’aide disponible dans l’exercice de ses fonctions et ne sera pas astreint à des tâches incompatibles avec sa mission humanitaire (GPI art. 15 ; GPII art. 9).
  5. Il ne sera pas exigé que sa mission s’accomplisse en priorité au profit de qui que ce soit, sauf pour des raisons médicales (GPI art. 15 ; GPII art. 9). De façon générale, la réquisition des installations, du personnel, du matériel et des moyens de transport sanitaires doit être évitée. Des dispositions spécifiques, dispersées dans les Conventions de Genève et dans leurs protocoles, limitent les situations où elle est permise (GI art. 33 à 35 ; GIV art. 57 ; GPI art. 14). De telles réquisitions peuvent seulement être organisées pour des cas temporaires d’urgence, par la puissance occupante, et seulement si « les besoins médicaux de la population civile, ainsi que ceux des blessés et malades sous traitement, affectés par les réquisitions, continuent d’être satisfaits ».
  6. Il jouit d’une liberté de déplacement pour pouvoir recueillir les malades et les blessés. Les parties au conflit s’engagent à faciliter l’exercice de la mission sanitaire et ils ne doivent donc pas entraver l’accomplissement des activités du personnel sanitaire (GIV art. 56).
  7. Le personnel sanitaire civil pourra se rendre sur les lieux où ses services sont indispensables, sous réserve des mesures de contrôle et de sécurité que la partie au conflit intéressée jugerait nécessaires (GPI art. 15).
  8. Les parties au conflit donneront toute l’assistance possible au personnel sanitaire civil dans une zone où les services sanitaires civils seraient désorganisés en raison des combats (GPI art. 15).
  9. Le personnel sanitaire devra pouvoir se déplacer sur les lieux de combats pour rechercher et recueillir les malades et blessés. Cette mesure est prévue pour les conflits armés internationaux mais aussi internes : « Chaque fois que les circonstances le permettront, et notamment après un engagement, toutes les mesures possibles seront prises sans retard pour rechercher et recueillir les blessés, les malades et les naufragés, les protéger contre le pillage et les mauvais traitements et leur assurer les soins appropriés, ainsi que pour rechercher les morts, empêcher qu’ils soient dépouillés et leur rendre les derniers devoirs » (GPII art. 8 ; GI art. 15).
  10. Le personnel sanitaire ne peut pas être puni pour les activités médicales qu’il aura entreprises dans les périodes de conflit, quelles que soient les circonstances, si elles sont conformes à la déontologie. Nul ne devra jamais être inquiété pour le fait d’avoir recueilli et donné des soins à des blessés ou des malades (GI art. 18 ; GPI art. 16 ; GPII art. 10). Cette protection s’étend à la population civile qui aurait spontanément recueilli et soigné des malades et blessés, quelle que soit leur nationalité, y compris en période de conflit armé interne (GPI art. 17 ; GPII art. 18).
  11. Le personnel sanitaire ne peut être contraint à pratiquer des actes contraires à la déontologie médicale, ni à rompre le secret médical (GPI art. 16 ; GPII art. 10).
  12. S’il tombe au pouvoir de l’adversaire, le personnel sanitaire militaire n’est pas considéré comme un prisonnier de guerre et doit être libéré, à moins que le nombre et l’état sanitaire des prisonniers de guerre exigent le contraire. Dans ce cas, il doit jouir dans son travail de facilités et de droits garantissant le respect des principes de déontologie médicale (GI art. 28, 29 ; GII art. 37 ; GIII art. 33). En outre, si des prisonniers de guerre ont des compétences médicales, ils pourront être requis d’exercer leurs fonctions médicales dans l’intérêt des prisonniers. Ils auront alors les mêmes droits que le reste du personnel médical (GIII art. 32).
  13. En cas d’occupation du territoire, la puissance occupante a le devoir de maintenir les activités médicales et doit autoriser le personnel médical à accomplir sa mission (GIV art. 56).
  14. En cas d’internement, le droit international prévoit que les internés seront traités de préférence avec un personnel médical de leur nationalité (GIV art. 91).
  • La règle 25 de l’étude sur les règles du droit international coutumier publiée par le CICR en 2005 affirme que « le personnel sanitaire exclusivement affecté à des fonctions sanitaires doit être respecté et protégé en toutes circonstances. Il perd sa protection s’il commet, en dehors de ses fonctions humanitaires, des actes nuisibles à l’ennemi ». La règle 26 précise quant à elle qu’« il est interdit de punir une personne pour avoir accompli des tâches médicales conformes à la déontologie ou de contraindre une personne exerçant une activité de caractère médical à accomplir des actes contraires à la déontologie ». Ces règles s’appliquent en situation de conflits armés tant internationaux que non internationaux.

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Pour en savoir plus

Amnesty International , Codes d’éthique et déclarations concernant les professions médicales (recueil de textes déontologiques), Amnesty International, Paris, 1994, 124 p. ( http://web.amnesty.org/pages/health-ethicsindex-eng ).

Baccino Astrada A., Manuel des droits et devoirs du personnel sanitaire lors des conflits armés , CICR, Genève, 1982.

Harouel -Bureloup V., « La protection du personnel sanitaire, droits et devoirs », in Traité de droit humanitaire , PUF, Paris, 2005, p. 209-160.

The Medical Profession and Human Rights : Handbook for a Changing Agenda, British Medical Association (BMA)-Zed, Londres, 2001, chap. 5.

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